Il y a neuf mois que le typhon Haiyan (connu localement sous le nom de Yolanda) a traversé en trombe les Philippines, mais les séquelles de ses vents de force d’ouragan et de ses vagues destructrices sont encore bien visibles un peu partout dans la ville de Tacloban, une des zones les plus touchées. Bien que les débris aient été enlevés de la route, on a parfois l’impression qu’ils ont été simplement balayés sur le côté. Des morceaux de métal déformés pointent vers le ciel, parmi les murs effondrés. Presque chaque structure compte un élément plié, brisé, tordu ou tout simplement absent.
Encore plus présentes, cependant, sont toutes les tentes et les petites maisons rudimentaires qui bordent les côtés de la route. Contrairement aux coquilles vides d’autres bâtiments, celles-ci sont habitées par des familles qui doivent transformer ces abris de fortune en un foyer. La possibilité d’un logement permanent semble encore éloignée.
C’est le cas de Barangay 89. Aux Philippines, un barangay est une subdivision municipale, un peu comme un quartier ou un arrondissement. Dans une certaine mesure, ici chaque barangay doit se débrouiller seul pour obtenir des services comme des abris de transition, de nouvelles bâches, l’accès aux terres du gouvernement pour la reconstruction, etc.
Barangay 89 est une communauté côtière, où la plupart des citoyens ont vu leurs maisons emportées par les vagues de 6 mètres de hauteur créées par l’onde de tempête qui a submergé les terres dans cette région. Aujourd’hui, le barangay est une mosaïque de tentes faites de bâches en plastique et de bouts de métal et de bois abîmés par les intempéries et ramassés dans les débris.
Heureusement, la communauté n’est pas isolée. Le partenaire local de Développement et Paix, Urban Poor Associates (UPA), aide la communauté à comprendre ses droits et à s’adresser au gouvernement afin d’obtenir des services. Il a également facilité la création de l’Association des survivantes de Yolanda pour aider les femmes de la communauté à subvenir à leurs besoins. Les femmes ont créé un potager communautaire, qui aide beaucoup d’entre elles à nourrir leurs familles. En visitant le jardin, j’ai rencontré Jobert, 4 ans, dont le père est mort dans le typhon. Il est aveugle et sa mère a de la difficulté à subvenir aux besoins de sa famille. Jobert se tenait à une récolte d’ignames cueillies par sa mère dans le jardin alors que la chaleur accablante du soleil diminuait.La force de caractère des habitants de Barangay 89 s’est manifestée pleinement à une messe en plein air spécial concélébrée par Mgr Michael Miller de l’archidiocèse de Vancouver et Mgr Jean-Louis Plouffe du diocèse de Sault-Ste-Marie. Les deux évêques font partie de la délégation de Développement et Paix qui visite des projets créés après le passage du typhon Haiyan. Au cours de l’offertoire, les membres de la communauté ont présenté des légumes de leurs jardins fraîchement cueillis, de petits crabes capturés dans la mer à proximité, ainsi qu’un panier débordant de bouts de papier blanc portant les noms de leurs proches disparus pendant le typhon. Après la bénédiction des noms des défunts, les papiers ont été brûlés et les cendres jetées dans la mer qui les a pris.
Après une représentation théâtrale d’un groupe de jeunes formés par un partenaire de Développement et Paix, l’Association du théâtre éducatif des Philippines, qui mêlait comédie et drame pour exprimer l’expérience des jeunes de Haiyan, il ne faisait plus que doute que les membres de la communauté, en collaborant et en s’épaulant, arrivent lentement à panser les plaies émotionnelles encore vives causées par Haiyan, même au cœur d’un paysage marqué par la destruction physique.
Comme l’a dit l’archevêque Miller à la foule nombreuse comme conclusion de ce que la communauté elle-même appelé une célébration : « L’esprit humain a transcendé toutes les larmes, la tristesse et la mort pour pouvoir célébrer et se réjouir. C’est un signe remarquable de votre résilience et votre foi ».