Syrie : Même en situation désespérée, il y a de l’espoir | Développement et Paix

Syrie : Même en situation désespérée, il y a de l’espoir

9 janvier 2015
par 
Kelly Di Domenico, Agente de communications
Le Père Nawras Sammour, directeur Service jésuite des réfugiés (JRS) en Syrie, avec des membres de Développement et Paix à Toronto

On a peine à imaginer que la situation en Syrie puisse empirer davantage, mais lors d’une récente visite au Canada, le père Nawras Sammour, directeur Service jésuite des réfugiés (JRS) en Syrie, a décrit en détail la tragédie qui sévit toujours dans son pays, tragédie exacerbée par l’arrivée de militants islamistes le long de la frontière avec l’Irak.

Lors d’un événement organisé à la paroisse Notre-Dame-de-Lourdes à Toronto, il a livré un témoignage bouleversant de la souffrance actuelle de la population syrienne. En plus des 3,5 millions de réfugiés syriens qui vivent dans d’autres pays, le conflit a fait 7 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays, explique-t-il.

« Certaines personnes ont été déplacées six ou sept fois », dit-il, évoquant les terribles conséquences de la réinstallation constante, comme la perte de tous les effets personnels, les logements surpeuplés, l’absence de scolarité pour les enfants et le spectre de la faim.

Selon le père Sammour, une autre répercussion dévastatrice du conflit persistant, c’est que les Syriens sont devenus insensibles à la violence autour d’eux. Alors qu’auparavant, un pilonnage aurait fait trembler de peur la population, aujourd’hui, cela fait tout simplement partie de la vie quotidienne. Pour lui, c’est un signe inquiétant que les Syriens sont en train de perdre le sens du caractère précieux de la vie, et ils risquent de céder à un certain fatalisme de l’absence de lendemain.

Pour le père Sammour, cependant, l’espoir n’est pas tout à fait perdu. Bien qu’il soit confronté jour après jour à des récits empreints de désespoir, son travail lui laisse entrevoir des lueurs d’espoir de paix. « Une fois, le lendemain du jour où nous avons servi des repas chauds à une de nos soupes populaires, une famille musulmane est venue apporter un gâteau pour le personnel de JRS pour Noël », raconte-t-il, manifestement encore touché par le geste.

La consolidation de la paix est l’une des principales composantes de la programmation du JRS et le père Sammour précise que toutes les activités des organisations cherchent à rassembler les gens de différents groupes ethniques et confessions religieuses pour promouvoir la paix et la tolérance. Par exemple, grâce aux activités éducatives du JRS avec les enfants, les parents peuvent également se réunir dans un cadre informel, tout simplement pour discuter et socialiser, ce qui les aide à faire abstraction des différences qui divisent le pays en ce moment.

Le père Sammour voit aussi de l’espoir dans le nombre de personnes que le JRS rejoint grâce au soutien d’organismes comme Développement et Paix. « Nous avons commencé avec 34 paniers de nourriture, et maintenant nous en distribuons 35 000 », dit-il. Les programmes du JRS sont fondés sur trois piliers : l’aide humanitaire et médicale, les services d’enseignement, et le soutien psychosocial.

Si les services eux-mêmes sont indispensables, c’est la manière dont ils sont offerts qui fait une différence. « Nous ne faisons pas la charité, nous marchons aux côtés du peuple », affirme le père Sammour. Ceci est en partie dû au fait qu’une grande partie du personnel et des bénévoles du JRS sont eux-mêmes des personnes réfugiées, ce qui amène un sentiment de solidarité et d’empathie qui favorisent le maintien d’une certaine dignité devant tant de désespoir.

De fait, Pax Christi a reconnu l’approche empreinte de compassion du JRS Syrie le printemps dernier en lui décernant le Prix international de la paix. Le père Sammour lui-même n’a pas été épargné par la souffrance; il a vu sa ville natale d’Alep démolie et divisée. Une grande partie de sa famille a quitté la Syrie à la recherche d’autres débouchés, et l’entourage du père Sammour se demande pourquoi il n’est pas parti lui aussi.

« Chaque fois que je voyage, mon équipe me demande toujours si je vais revenir. Bien sûr que je vais revenir. J’ai besoin d’être avec mon monde en ce moment. »