Myriam Antaki était au Salvador pour assurer la couverture de la béatification d'Oscar Romero. Ses billets précédents sont San Salavador à la veille de la béatification d'Oscar Romero et Mgr Oscar Romero bienheureux.
Pendant mon court séjour au Salvador à l’occasion de la béatification d’Oscar Romero, une des choses qui m’aura le plus marquée reste la rencontre avec des personnes ayant connu Romero personnellement, ou dont le travail a été marqué par lui. Sans surprise, plusieurs de ces personnes travaillent pour Caritas El Salvador.
Pendant la messe de béatification samedi, des offrandes ont été présentées dont un panier de produits de la terre préparé par Caritas El Salvador. Pour présenter l’offrande, l’organisation a choisi Jorge Alberto Fernandez du diocèse de Santiago de María où Romero a brièvement été évêque. Pendant cette période, il a été témoin de la souffrance des pauvres sans terre du pays, ce qui a causé, selon ses propres dires, son changement d’attitude. Monsieur Fernandez a été chauffeur de Mgr Romero dans les dernières années de sa vie. « Je dois être celui qui a le mieux connu Mgr Romero, me dit-il. Pour avoir passé autant de temps avec lui. J’ai partagé autant ses peines que ses colères. Oh oui, qu’il savait se fâcher! Mais il était surtout d’une grande générosité. Le peu qu’il avait, il le donnait à ceux qui en manquaient plus que lui. Si quelqu’un avait besoin d’aide, il l’aidait peu importe qu’il soit de gauche ou de droite. Tout ce qui comptait pour lui c’était l’être humain en chacun. »

Jorge Alberto Hernandez, chauffeur de Mgr Romero, avec sa femme et ses petits-enfants, portant une photo dans laquelle il se trouve aux côtés de Mgr Romero (dans le coin supérieur droit).
J’ai appris en écoutant la biographie de Mgr Romero samedi, qu’il avait été un enfant timide. Il semble qu’il le soit resté malgré sa charge importante en tant qu’archevêque de San Salvador. Hilda Luz Trejo, coordonnatrice de l’axe des droits humains, justice, paix et réconciliation de Caritas El Salvador, l’a connu alors qu’elle était une religieuse novice. « Il visitait régulièrement la maison de la congrégation parce que la mère supérieure était son amie. C’était un homme humble et timide, il ne vous regardait pas dans les yeux, mais au lutrin, c’était un autre homme. Pendant ses homélies, il se transformait, il devenait un prophète. Il m’a confié qu’il préparait ses homélies pour qu’elles durent 15 minutes, mais que lorsqu’il les donnait, il entendait une voix intérieure qui lui disait de continuer. Je n’oublierai jamais ses larmes lors de l’anniversaire de l’assassinat de son ami Rutilio Grande. Il a beaucoup pleuré et il a dit: “C’est à cet homme que je dois ma conversion.” »
« Sa pauvreté m’a aussi beaucoup marquée. Un jour, alors qu’il portait sa soutane noir, nous sommes passés chez lui pour qu’il puisse se changer. Quand il est ressorti portant la même soutane, voyant mon étonnement il m’a expliqué que son autre soutane était mouillée parce qu’elle avait été lavée. Pouvez-vous croire qu’il n’en avait que deux? »
Pour Hilda, Romero est un modèle de comment travailler avec les pauvres. C’est un grand défi de répondre aux nouveaux visages de la violence, aux paysans qui n’ont pas de terre, aux jeunes qui s’entretuent. Si Romero était toujours présent, il nous rappellerait l’engagement quotidien d’être fidèles à l’Évangile et de répondre aux injustices. « Aujourd’hui, dit-elle, il faut de nouveau aider le peuple à s’organiser parce que les structures du pouvoir sont toujours les mêmes. »

L'équipe de Caritas El Salvador. Hilda Luz Trejo est à l'avant, vêtue d'un t-shirt rose.
Mgr Samuel Elías Bolaño, vice-président de Caritas El Salvador, n’a pas eu la chance de connaître Romero qui est mort le jour-même où il devait le rencontrer. « J’étais au séminaire quand il est devenu archevêque. J’étudiais au Guatémala et nous écoutions ses paroles et nous l’admirions beaucoup. Nous suivions tout ce qui se publiait de lui. C’était l’homme de l’heure quand il est devenu archevêque au moment de la grande confrontation entre la gauche et la droite au Salvador. Si Romero était toujours vivant, il parlerait de la violence qui nous détruit et il nous appellerait, tout comme il l’a lui-même fait, à nous convertir et à chercher des solutions aux causes de cette violence. »
« La contribution de Mgr Romero a permis à Caritas de devenir aujourd’hui ce que le pape François l’a nommée: “la caresse de l’Église à son peuple”. Cependant, je pense que nous n’avons pas profité de la contribution et de l’héritage de Mgr Romero. Maintenant, nous sommes confrontés au défi de le faire mieux connaître ici au Salvador car il est mieux connu à l’étranger, en tant que grand militant des droits humains », m’a confié Antonio Baños, directeur de Caritas El Salvador.

Une peinture dans la chappelle où Romero a été assassiné. On y lit : « mon amour est le peuple » et « Ça représente beaucoup pour moi qu'un enfant ait la confiance de me faire un câlin! ».
Je voudrais profiter de cette occasion pour remercier mes collègues de Caritas El Salvador qui m’ont si bien accueillie et ont facilité mon travail. Gracias! Un merci particulier à Ilse, Ceci et Fabio.