Quel Buen Vivir ? | Développement et Paix

Quel Buen Vivir ?

16 juillet 2018
par 
Marilou Landry, stagiaire Québec sans frontières en Équateur
Québec Sans Frontières - QSF Équator 2018

Six jeunes québécoises effectuent actuellement un stage d’initiation à la solidarité internationale en Équateur dans le cadre du programme Québec sans frontières (QSF). Elles appuient un partenaire de Développement et Paix, ALER (Asociación Latinoamericana de Educación y Comunicación Popular).

Dans le cadre de leur projet, les stagiaires appuient différentes organisations membres de ALER et établies dans la ville de Quito. La mission d’ALER est de favoriser l’émergence d’une communication radiophonique éducative et de travailler avec d'autres acteurs sociaux pour la démocratisation des communications, pour le développement humain durable et pour la construction de sociétés empreintes de justice, d’équité et de démocratie.

Au courant de leur séjour, le groupe nous partage le récit de leurs expériences. Ici, Delphine nous raconte une aventure quotidienne et les réflexions qu’elle engendre.

 

Quel Buen Vivir ?

Les pays andins, de par leur forte proportion d’Autochtones au sein de leur population, sont reconnus pour avoir une philosophie d’harmonie et de proximité avec la terre. On réfère généralement, dans le monde occidental, cette façon de voir la vie comme étant le Buen Vivir. Or, qu’en est-il vraiment sur place ? Lors de mes premiers jours dans la capitale équatorienne, je dois avouer que j’ai eu un certain choc. En effet, j’imaginais un endroit plutôt utopique où l’humain serait un réel protecteur de l’environnement, où les arbres ne seraient pas assasinés et où les animaux seraient traités avec respect et amour. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que les autobus, dont la combustion n’est pas adaptée à l’altitude de la ville, produisent un nuage obscur de fumée à chaque mètre parcouru, que les chiens sont abandonnés, que les emballages plastiques sont rois et que les montagnes sont dépossédées de leur vie au profit de l’étalement urbain. Certes, Quito est une grande ville qui n’échappe guère aux travers de la mondialisation et de l’urbanisation, mais est-ce que cela signifie pour autant que tout le concept du Buen Vivir n’est que de la poudre aux yeux?   

Tout d’abord, il faut remettre les pendules à l’heure. En cherchant un peu, on s’aperçoit rapidement que le concept de Buen Vivir a été instrumentalisé dans les dernières années et qu’il réfère à présent, sur le plan national, à un projet politique de développement et de croissance économique qui inclut des principes de droits humains et de bien-être collectif issus du Sumak Kawsay. Le Buen Vivir est désormais, à mon sens, une fusion entre les idéaux des sociétés occidentales qui valorisent le capitalisme et le développement économique ainsi que les valeurs Autochtones des pays andins. Le Sumak Kawsay est, pour sa part, un terme kichwa qui réfère à un mode de vie collectif où les humains et la nature sont égaux. 

Le Sumak Kawsay repose sur cinq principes fondamentaux: l’interrelation entre connaissances et sagesse (Tucu Yachay), la Terre Mère (Pachamama), le caractère sain de la vie (Hambi Kawsay), la collectivité (Sumak Kamaña) et le droit de chacun d’avoir des rêves et des idéaux (Hatun Muskuy). Lorsque l’on comprend bien la nuance entre les deux, on arrive à comprendre beaucoup plus facilement pourquoi Quito est ainsi. La ville cosmopolite se trouve, en effet, au carrefour d’un désir de croissance et de reconnaissance mondiale, mais tient aussi à conserver ses valeurs fondamentales. De cette rencontre émerge une multitude de paradoxes qui nous font parfois sourire, d’autres fois froncer les sourcils. Quoi qu’il en soit, les gens ne sont pas prêts à mettre de côté l’aspect relationnel et chaleureux des interactions humaines. L’individualisme ne semble pas encore avoir fait ses ravages ici, malgré l’urbanisation et l’aspect du travail collectif (Minga) semble là pour rester.