L'année dernière, quand les pluies n’étaient pas au rendez-vous pour la récolte au Mali, on pouvait déjà prédire qu'une crise alimentaire était à l'horizon. Ce qui était moins prévisible, cependant, était que le pays était au bord d'une crise politique.
Une des principales questions que j'avais quand je suis partie pour le Niger était pourquoi le pays connait-il si fréquemment des crises alimentaires ? Après être passé proche de la famine en 2005, de sérieux pics d'insécurité alimentaire ont eu lieu en 2008, 2010 et maintenant en 2012. Le professeur Alpha Gado, un spécialiste des crises alimentaires au Sahel à l'Université de Niamey, m'a aidée à comprendre les complexités d'une crise alimentaire dans un pays comme le Niger.
Au Niger, où 80 % de la population dépend de l'agriculture de subsistance pour sa survie, faire fructifier la terre est essentiel. Les étendues de terre rocheuse et durcie, stagnant sans utilité, apparaissent comme un énorme gaspillage, surtout à un moment où il n'y a pas assez d’aliments pour nourrir la population.
Le Niger, comme la plupart des pays du Sahel, n’a qu'une saison des pluies, ce qui signifie que la récolte en lien avec ces pluies est cruciale à la survie pour l’année entière. Cependant, au moment de planter, la récolte de l'année précédente est presque épuisée et il reste peu, sinon rien, à manger. Il s'agit d'une période où il n'y a pas assez de nourriture alors que c’est justement à ce moment que le besoin est le plus grand. Planter un champ et travailler le sol nécessite de l'énergie, une énergie qui est difficile à trouver quand il n'ya rien à manger.
« Il y a davantage de réfugiés qui arrivent chaque jour. » Tels étaient les mots de Nassar, le représentant de Caritas Niger, qui nous a accompagnés au camp de réfugiés Tabarey Baley à Ayourou, à proximité de la frontière malienne. C'est le début du désert ici, où l'air est sec et le soleil est fort. Au début de février, les Maliens ont commencé à traverser la frontière en direction du Niger pour échapper à la violence perpétrée dans leurs villages par les groupes islamistes fondamentaux qui ont pris le contrôle du Nord du pays.
Guy Des Aulniers, chargé de programme pour les secours d'urgence
Nous sommes dans la commune de Sae Saboua, dans le diocèse de Maradi. 234 ménages, provenant de 4 villages, reçoivent aujourd’hui chacun 80 kilos de mil, 21 kilos de « niébé » (haricots secs) et 5 litres d’huile. Cette ration doit servir à nourrir une famille de 7 personnes pendant un mois. Ce sont principalement les femmes qui viennent car les hommes sont aux champs. C’est la saison des pluies actuellement, le mil est déjà de bonne taille et il faut désherber. Le mil a été planté aux premières pluies, en juin dans cette région. Il pourra être récolté à la fin septembre, si tout va bien : si les pluies ne créent pas d’inondations, si l’absence de pluie ne fait pas sécher les plants et si les chenilles ne viennent pas ravager les champs comme ce fut le cas l’année dernière.
Guy Des Aulniers, chargé de programme pour les secours d'urgence
Nous sommes à Maradi (Niger), à 650 km de Niamey, la capitale. Maradi est le « grenier » du pays, ce qui en fait sa capitale économique. Mais nous sommes surtout à 25 km du Nigéria et tout ce qu'on trouve ici vient de là-bas, du sucre aux voitures. C’est aussi dans le nord du Nigeria que Boko Haram sévit et son influence se fait sentir. Le voile intégral est par exemple davantage présent. Certaines tensions se font sentir avec les chrétiens, assez pour que l’Église ait évité cette année ses vœux traditionnels du début du ramadan le 21 juillet dernier.
Le village de Garbeygourou est situé à côté d'une route de terre toute déformée qui s'étend sur une terre de sable rouge, encore plus éclatante après une pluie récente. En soi, le village ne semble être composé que d'un petit regroupement de huttes. Toutefois, dès notre arrivée, le chef est venu nous accueillir. Aussitôt, les gens ont peu à peu commencé à sortir, se regroupant tranquillement dans le milieu du village. Avant qu'on n'ait le temps de dire ouf, il y avait au moins 100 hommes, femmes, enfants et bébés autour de nous, et plusieurs autres personnes arrivaient encore. Ce village reçoit de l'aide de Caritas Niger à cause de l'insécurité alimentaire. Plusieurs familles n'ont pas assez de nourriture et on y a également dénombré quelques cas de malnutrition sévère chez certains enfants.
Le Niger est un de ces pays qui semble être tombé dans l’oubli, un endroit au bout du monde qui donne l’impression d’être perdu dans le temps. Nous n'imaginons même pas ce à quoi il pourrait ressembler, car nous n’entendons à peu près pas parler de ce pays. Néanmoins, ce grand pays d’Afrique vit présentement une crise alimentaire qui affecte plus de 6 millions de personnes.
J’ai visité Blama pour la première fois en 1989. C'était ma première mission en tant que chargé de programmes à Développement et Paix. Après avoir visité le Centre pastoral et social dont l’impressionnant programme de formation au leadership D.E.P. (Development Education Programme) était alors financé par Développement et Paix, un groupe de jeunes chrétiens diplômés (YCS-Young-Christian Students) m’invita à visiter certains des villages où ils se rencontraient et prêtaient assistance à la population.