Du 1er au 8 septembre dernier, une mission d’évêques de la République démocratique du Congo composée de Mgr Fulgence Muteba Mugalu, évêque de Kilwa Kasenga, de Mgr Ruvezi Kashala Gaston, évêque de Sakania Kipushi, de l'abbé David Luhaka du diocèse de Kalemie Kirungu ainsi que de monsieur Fidèle Banza Mutombo conseiller au développement de la Radio communautaire du Katanga (RCK), s’est rendue à Madagascar.
Développement et Paix, qui travaille dans les deux pays, a facilité cette mission afin de permettre aux évêques congolais et malgaches de se rencontrer et d’échanger sur le rôle de l’Église quant à la question des industries extractives et du développement. Les évêques congolais ont pu en apprendre davantage sur les approches de travail et les stratégies développées à Madagascar par l’Église afin de travailler avec des communautés touchées par des industries extractives.
Le pape François a d’ailleurs appelé, le 7 septembre dernier, à la responsabilité du secteur minier vis-à-vis des populations mais aussi de l’environnement, afin que l’activité minière soit véritablement mise au service du développement humain intégral. En effet, l’extraction minière a des répercussions écologiques et sociales pouvant s’étendre sur plusieurs générations.
Mgr Fulgence MUTEBA, évêque de Kilwa-Kasenga (République démocratique du Congo) faisait partie de cette délégation. Il nous livre ici son témoignage :
Du 1er au 8 septembre dernier, dans le cadre de l’engagement de l’Église pour une gestion des ressources naturelles à la population locale, une délégation épiscopale du Katanga a effectué une mission pastorale à Madagascar. Cette délégation était composée de deux évêques, Son Excellence Monseigneur Gaston RUVEZI, évêque de Sakania-Kipushi, et Son Excellence Monseigneur Fulgence MUTEBA, évêque de Kilwa-Kasenga. Les deux évêques étaient accompagnés de l’abbé David Ngoy, responsable de la Commission Justice et paix du diocèse de Kalemie-Kirungu, et Monsieur Fidèle Banza, conseiller au développement de la Radio communautaire du Katanga (RCK) et point focal à Lubumbashi de l’organisme Développement et Paix, qui a facilité la mission.
Cette mission avait pour objectif d’échanger sur les expériences et les bonnes pratiques dans les efforts de l’Église pour une gestion des ressources naturelles profitable aux populations autochtones. À Antananarivo, la délégation du Katanga a eu des échanges avec Son Excellence Monseigneur Odon Marie-Arsène Razanakolona, archevêque d’Antananarivo, et quelques membres de la Conférence épiscopale de Madagascar. Elle s’est ensuite entretenue avec les membres du bureau de coordination du projet de la Conférence épiscopale malgache « Taratra », mis sur pied à cet effet. La délégation katangaise s’est aussi rendue au diocèse de Moramanga, à une centaine de kilomètres dans l’est de la grande île. Elle y a eu plusieurs séances de travail avec Son Excellence Monseigneur Gaetano, évêque diocésain, des membres de la coordination diocésaine du projet Taratra, du réseau local dudit projet, de l’autorité politico-administrative du lieu ainsi que de quelques habitants de sites d’exploitation minière.
Les échanges entre les deux Églises ont été très enrichissants. Il en découle que la problématique de la responsabilité sociale des industries extractives ne peut plus être marginalisée dans la mission de l’Église dans les pays africains. Au contraire, elle doit faire partie de la pastorale d’ensemble et mérite, à tous les égards, d’être abordée de manière transversale dans tous les secteurs de la pastorale. La haute hiérarchie de l’Église catholique romaine a partagé, simultanément, la même préoccupation en convoquant, le 7 septembre 2013 à Rome, au Conseil Pontifical Justice et paix, une rencontre sur cette problématique. Il ne s’agit pas d’une coïncidence, mais d’une nécessité pastorale dans plusieurs Églises locales, surtout en Afrique subsaharienne.
Après avoir fait le point sur l’organisation en République démocratique du Congo de la pastorale de la gestion des ressources naturelles à travers la Commission épiscopale ad hoc des ressources naturelles (CERN) et les Observatoires diocésains des mêmes ressources, la délégation katangaise a salué notamment l’engagement sans faille des évêques malgaches dans ce secteur pastoral. Cet engagement est, à la vérité, un témoignage prophétique qui fait rayonner l’Église de Dieu et accroît la crédibilité de son message auprès du peuple malgache. Elle a également apprécié l’appropriation du projet Taratra au niveau de la base, c’est-à-dire par des acteurs issus de toutes les couches sociales représentatives des sociétés minières et de diverses confessions religieuses. Le plus frappant est que tous travaillent bénévolement. Unis à leurs évêques, ces acteurs, qu’on appelle là-bas membres du « réseau », effectuent un travail formidable. Ils s’occupent de la sensibilisation, du plaidoyer et du suivi du projet Taratra. Par leur labeur, ils contribuent à l’élaboration et à l’exécution, dans chaque diocèse concerné par le projet Taratra, du budget participatif constitué des priorités définies par la population elle-même et que doivent financer les redevances versées par les sociétés minières. Ce budget est tenu, bien entendu, par le maire local, mais exécuté sous l’œil vigilant des membres du réseau et des populations bénéficiaires.
Cette synergie est un capital de confiance, de transparence et d’efficacité. Tout le monde y trouve son compte, même les industries extractives. Cependant, beaucoup reste à faire à Madagascar. Le changement du Code minier actuel, qui n’accorde aux populations autochtones que 2 % des revenus annuels des entreprises minières, est une urgence. Il est aussi important que les contrats miniers, qui restent opaques et léonins, soient rendus publics et révisés.
Revenue au Katanga depuis le dimanche 8 septembre, la délégation épiscopale s’est résolue à intensifier la pastorale des ressources naturelles dans les huit diocèses du Katanga et à œuvrer à l’appropriation, par la base, de toutes initiatives visant à accroître les retombées économiques, au sein de la population locale, de l’exploitation des richesses naturelles. Un travail en synergie doit être réalisé dans la transparence à travers notamment l’expérience du budget participatif.