L’offensive de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), qui s’est récemment autoproclamé « califat islamique », a provoqué le déplacement d’environ 1,2 million de personnes dans un sillon de violence et de terreur. À la suite des attaques et des ripostes des belligérants, la situation évolue de jour en jour. C’est à Anbar, Dohuk, Erbil et Ninewa en Irak, que l’on retrouve la plus forte concentration de personnes déplacées. Après l’offensive fulgurante de l’EIIL, ces personnes se sont enfuies en apportant très peu de choses. Elles ont maintenant besoin de nourriture, d’eau, d’un logement, de soins de santé ainsi que de biens de première nécessité. La violence des rebelles, les offensives et contre-offensives militaires et la faiblesse de l’État entravent fortement l’acheminement de l’aide, l‘organisation des secours et, de manière générale, le travail des organismes humanitaires. La communauté internationale, quant à elle, tarde à se mobiliser encore sous le choc de la déroute de l’armée et du gouvernement irakiens. Entre-temps, la situation ne s’améliore aucunement pour les personnes déplacées.
L’EIIL est une organisation djihadiste née en Irak, en 2003, suite au démantèlement du régime de Saddam Hussein et à la démobilisation de son armée par les forces américaines. Comme le mentionne dans une déclaration (en anglais) le Committee on International Justice and Peace de la Conférence des évêques catholiques des États-Unis, l’invasion et l’occupation américaine en Irak ont accéléré le sectarisme et encouragé l’extrémisme. De confession sunnite, cette organisation souhaite la mise en place d’un État islamiste, régi par la charia, s’étendant sur une vaste région qui engloberait une partie du Liban, de la Syrie et de l’Irak. Déjà actif en Syrie et souvent en conflit avec d’autres groupes rebelles dans ce pays, l’EIIL a pu facilement traverser la frontière septentrionale et s’implanter en Irak en misant sur le mécontentement grandissant de la population sunnite face au gouvernement chiite d’où elle était exclue ou par qui elle se sentait opprimée.
Au-delà des questions humanitaires, cette crise met en lumière des problèmes historiques et des divisions profondes qui pourraient mener à l’éclatement de l’État irakien et avoir des répercussions importantes et catastrophiques au Moyen-Orient. Résultant d’un découpage du Moyen-Orient, entre la France et le Royaume-Uni après la première guerre mondiale, et non d’un processus historique de construction d’une identité nationale, l’Irak a toujours été traversée par des divisions ethniques et confessionnelles qui opposent au moins trois groupes principaux : les chiites, les sunnites et les kurdes. Des régimes forts, voire dictatoriaux, ont maintenu cette unité territoriale d’une main de fer pendant plusieurs décennies jusqu’à la chute de Saddam Hussein. La possibilité de construire un nouveau pays sur des bases de citoyenneté et de démocratie a été fortement ébranlée par le régime mis en place par les Américains. Ce régime a plutôt voulu jouer la carte de la revanche et de l’identité religieuse, avec les résultats désastreux que nous connaissons depuis quelques années et qui, aujourd’hui, ont ouvert la voie à des organisations comme l’EIIL.
Le pape François a lancé un appel à l’unité du pays : « Je souhaite, pour toute la population, la sécurité et la paix et un avenir de réconciliation et de justice où tous les Irakiens, quelle que soit leur appartenance religieuse puissent construire leur patrie ensemble, en en faisant un modèle de cohabitation. »
Développement et Paix suit la situation de près afin de pouvoir venir en aide aux victimes du conflit. Malgré un environnement hostile, Caritas Irak a débuté la distribution de vivres et d’autres biens de premières nécessités à 2000 familles qui vivent dans un camp de fortune à Dohuk. Développement et Paix, qui a travaillé avec Caritas Irak et d'autres organisations locales au Moyen-Orient depuis 2000, continue de soutenir les activités de consolidation de la paix dans toute la région, afin de favoriser la bonne gouvernance, développer la participation citoyenne, soutenir l'établissement de bonnes relations entre les différents groupes religieux groupes et promouvoir le respect des droits humains. Ces différents facteurs sont indispensables afin de permettre aux citoyens de vivre en paix car ils se trouvent au cœur des enjeux du pays et de l'ensemble de la région.