La Fédération nationale des travailleuses domestiques de Bolivie réalise des progrès importants en matière de respect des droits et de la dignité | Développement et Paix

La Fédération nationale des travailleuses domestiques de Bolivie réalise des progrès importants en matière de respect des droits et de la dignité

19 octobre 2012
par 
Mary Durran, chargée de programmes pour l'Amérique latine

Ces femmes sont parties de très loin. Aussi bien au sens littéral qu'au sens figuré. Diana Garcia, âgée de 19 ans et membre de l’équipe de direction de la FENATRAHOB, a commencé à travailler dès l’âge de 12 ans comme bonne dans une région très isolée de la Bolivie, le département de Pando en Amazonie bolivienne. Aujourd’hui, Diana étudie le droit à l’Université de Bolivie.

Diana est un exemple parfait du slogan de la Fédération nationale des travailleuses domestiques de Bolivie (FENATRAHOB), « de la cuisine au bureau », qui reflète la philosophie de ses membres qui regroupe actuellement environ 1 000 femmes. Développement et Paix a commencé à les appuyer en 1999, et nous sommes particulièrement fiers de leur histoire.

Felicidad Yugar (à l'extrême droite dans la photo) est une des plus anciennes membres au sein du conseil de direction de la FENATRAHOB. Elle se souvient de l’époque où, avec son salaire mensuel de 30 bolivianos, elle ne pouvait même pas s’acheter une paire de chaussures de travail. Au milieu des années 70, elle a quitté sa petite ville minière du centre de la Bolivie pour se rendre à La Paz avec sa mère et ses frères et sœurs. Son père, qui était mineur et dirigeant syndical et dont les poumons avaient été détruits par la silicose, avait été assassiné par les sbires de la dictature d’Hugo Banzer. Ardent défenseur des droits des mineurs, le père de Felicidad a été un modèle pour sa fille qui a consacré sa vie à la lutte pour la dignité des travailleuses domestiques.

Lorsqu’elle est arrivée à La Paz à l’âge de 15 ans, Felicidad a dû abandonner l’école et commencer à travailler comme bonne. Elle travaillait en moyenne 14 heures par jour, dès 6 heures du matin, et n’avait droit au repos qu’un dimanche sur deux.

« À cette époque, on nous traitait comme des animaux », se rappelle Prima Ocsa, une autre membre du conseil de direction de la FENATRAHOB. Les femmes de la Fédération ont commencé à s’organiser entre elles et petit à petit, ont fini par rejoindre toutes les travailleuses domestiques. En 2003, l’organisation était présente dans tous les départements de la Bolivie et une loi protégeant les droits des travailleuses domestiques a été promulguée pour la première fois. Cette loi leur garantit des journées de congé, des vacances payées, un salaire minimum et les protège du licenciement injustifié.

Cependant, les femmes ont vite compris que leur combat ne faisait que commencer. Une fois la loi adoptée, il fallait s’assurer de son application, ce qui était une autre paire de manches.

Malgré tout, le travail de ces femmes courageuses a porté fruit. De bouche à oreille, les travailleuses domestiques plus âgées et avec plus d’expérience ont fini par rejoindre les jeunes filles qui venaient tout juste de quitter les zones rurales et d’arriver en ville. Elles produisent des bulletins, font des annonces à la radio, organisent des séances d’information et facilitent l’accès aux études à temps partiel. La FENATRAHOB a aussi mis en place une ligne téléphonique gratuite pour les femmes qui veulent obtenir de l’information sur leurs droits.

Depuis, Felicidad a appris les tâches de base du travail de bureau. Elle a continué à travailler comme travailleuse domestique jusqu’à récemment, mais son employeur l’a licenciée parce qu’elle lui avait demandé pour la première fois le droit de prendre congé pour le jour de l’An. Cette situation était vraiment difficile pour elle.

« Quand on travaille comme bonne dans une famille, on finit par s’attacher à cette famille et aux enfants qu’on élève comme s’ils étaient les nôtres. Parce qu’on doit travailler très fort, on néglige nos propres enfants et nos maris. Une travailleuse domestique doit faire beaucoup de sacrifices. »

Aujourd’hui, la loi promulguée en 2003 n’est pas toujours appliquée comme elle le devrait, et les travailleuses domestiques n’ont pas encore droit à l’assurance maladie. Mais ces femmes qui luttent pour les droits des travailleuses domestiques ont cependant gagné une bataille importante, car le Congrès bolivien a ratifié la toute nouvelle convention numéro 189 de l’Organisation Internationale du Travail sur les Droits des travailleuses et travailleurs domestiques. Le Congrès bolivien a ratifié cette convention, mais elle doit maintenant être approuvée par le Sénat.

« Pour nous, il s’agit d’une grande victoire », dit Prima Ocsa. « Le combat que nous menons pour la justice et la dignité se déroule aussi à l’échelle internationale et universelle, et pas seulement en Bolivie. Cela représentera un levier important pour nous ».

En raison des coupures de l’ACDI, Développement et Paix ne pourra désormais plus financer la FNTDB lorsque le projet actuel prendra fin en octobre 2013.