La petite ville de San Francisco est nichée entre les montagnes bleues couronnées de nuages, les forêts tropicales verdoyantes du parc national Pico Bonito et les plaines fertiles, productrices de fruits, de la côte atlantique nord du Honduras. Une ancienne bananeraie qui longe le parc a cédé la place à des ananas destinés à l’exportation. Dans cette localité, personne ne souffre de la faim — même les chiens et les chats errants semblent bien nourris —, mais les soins de santé sont précaires et les emplois sont rares. Beaucoup de jeunes ont émigré vers les États-Unis à la recherche d’un emploi.
Le mont Pico Bonito renferme de nombreuses richesses dont une eau pure et fraîche qui coule en abondance des sources de la rivière Cuyamel. Adalid Mendoza, président de l’Office municipal des eaux, a consacré les 10 dernières années à lutter pour que les habitants de San Francisco ne perdent pas cet or liquide au profit d’un barrage hydroélectrique financé par la Banque Mondiale. La Junta de Agua est membre de la Coalición Nacional de Redes Nacionales, coordonnée par CEHPRODEC, un partenaire de Développement et Paix.
« Nous voulons faire de cette eau notre cadeau aux générations futures, c’est leur droit », déclare Adalid, qui a dirigé la résistance acharnée de la ville au projet de barrage hydroélectrique Cuyamel II, que l’on s’apprête à construire cinq kilomètres en amont des réservoirs municipaux qui abritent la réserve en eau potable de la ville.
Malgré le fait que le microbassin versant Cuyamel fasse partie du parc national et soit protégé par un décret gouvernemental adopté en 2005, le gouvernement met de l’avant le projet depuis 2003. Peu de temps après le coup d’État de 2009, le gouvernement a de facto décrété l’annulation de la loi protégeant le parc national Pico Bonito, ce qui permet au projet de continuer. Déjà, un nouveau détachement militaire a été construit à côté de la source d’eau.
Les membres de l’Office de gestion des eaux, pour la plupart des volontaires responsables de l’entretien des infrastructures de distribution de l’eau, des tests de qualité et de la collecte des frais mensuels de 25 lempiras (1,25 $) auprès des 1100 usagers, n’ont ménagé aucun effort dans la défense de cette précieuse source d’eau.
Ils ont rallié le maire à leur cause et ont fait pression sur la population pour défendre leur droit à l’eau. À de nombreuses reprises, ils se sont rendus dans la capitale, Tegucigalpa, pour rencontrer les députés au Congrès et demander l’annulation du permis environnemental, accordé en janvier 2010, pour ce projet. Face à cette opposition, les députés du département d’Atlantida sont venus à San Francisco en 2011, accompagnés des investisseurs, pour tenter de persuader la population. Seuls 8 résidents, dont Adalid Mendoza, ont été autorisés à entrer dans la pièce où se déroulait la réunion. Mais à l’extérieur, un bus de partisans des communautés voisines étaient venus manifester leur appui en distribuant des tracts et en agitant des bannières.
Accompagnés par des associations de protection de l’environnement, M. Mendoza et l’Office des eaux ont rendu visite à chacun des maires du département pour leur demander de signer une promesse de rejeter les projets de barrages hydroélectriques dans la zone protégée. Seule une minorité a accepté de signer et de prêter son soutien, le reste leur a claqué la porte au nez ou ne leur a donné qu’un appui verbal.
Au Honduras, pays où la violence est très répandue, une telle résistance manifeste peut être fatale, et CEHPROHDEC est préoccupé par la situation vulnérable d’Adalid; mais cela n’a pas empêché ce dernier de prendre la parole.
« La lutte est de plus en plus intense. Mais jusqu’à présent, le gouvernement n’a pas osé aller de l’avant avec le projet à cause de notre mobilisation », conclut Adalid Mendoza.