Honduras : « Nous ne sommes ni voleurs, ni mendiants - nous réclamons simplement ce qui nous revient de plein droit. » | Développement et Paix

Honduras : « Nous ne sommes ni voleurs, ni mendiants - nous réclamons simplement ce qui nous revient de plein droit. »

18 avril 2013
par 
Mary Durran, chargée de programmes pour l'Amérique latine
Fernando est le chef du Mouvement autochtone lenca de La Paz qui tente de récupérer leurs terres.

Dans le département montagneux de La Paz, au sud du Honduras, les matins sont frisquets et l’altitude offre des conditions idéales pour la culture du café. Ici, les Lencas, un peuple autochtone à la peau foncée, représentent 80 % de la population. Cependant, à voir la pauvreté et la discrimination dont ils sont victimes, on pourrait croire qu’il s’agit d’une minorité.

Dans cette collectivité, quatre enfants sur dix meurent de maladies liées à la pauvreté avant d’atteindre l’âge de deux ans. La plupart des filles tombent enceintes alors qu’elles sont encore mineures. Dans la seule collectivité de Santa Elena, onze femmes sont décédées au cours de leur accouchement l’an dernier.

En tant que petits exploitants, les Lencas ont besoin de terres pour cultiver leur nourriture et assurer leur subsistance. En août dernier, 90 membres de la communauté ont formé ensemble le Mouvement autochtone lenca de La Paz (MILPA), qui regroupe des hommes, des femmes, des aînés et des enfants. Ils visent ainsi à exercer les droits à la terre qui leur ont été attribués par des lois nationales, ainsi que par des traités internationaux. Jusqu’alors, ces personnes vivaient dans la précarité sur de minuscules lopins de terre, survivant à l’aide de menus travaux qui rapportent environ 2 $ par jour.

La décision de former le mouvement n’a pas été prise à la légère. Le Centre hondurien pour la promotion du développement communautaire (CEHPRODEC), un partenaire de Développement et Paix, a fait appel à des avocats pour effectuer des recherches et déterminer quels étaient les droits des Lencas. Leur enquête a révélé que les terres locales « appartenaient » à une femme des environs, cousine d’un ministre du Parti national. En 2005, cette femme a conclu une entente avec le maire de Marcala pour acquérir plus de terres que les lois ne permettent. Depuis, ses terres ont été laissées en jachère.

Le 22 août 2012, les membres du MILPA ont entrepris d’occuper la propriété vacante. Leur but était de faire racheter les terres par le gouvernement, avec l’espoir qu'elles leur seraient ensuite cédées, assorties d’une hypothèque qui leur permettrait de les rembourser petit à petit.

Quelques semaines plus tard, le père de la propriétaire, originaire de la localité voisine de Comayagua, a bourré sa camionnette d’explosifs et de gardes armés. Manifestement ivre, il a déclaré sur toutes les tribunes vouloir « tuer ces vauriens, voleurs de terre ». Il avait déjà dressé une liste des noms des personnes ciblées qu'il avait fait circuler auprès de tous les gens d’affaires de Marcala, les instruisant de ne jamais embaucher les personnes nommées.

Tandis que l’homme enragé faisait route vers Marcala, les forces policières ont été alertées et l’ont intercepté à un barrage routier. Il a été incarcéré, mais il a vite retrouvé la liberté, apparemment après avoir versé une somme d’un demi-million de lempiras (25 000 $ US).

Fernando, le leader du MILPA, attend avec les autres membres que le cas soit soumis aux tribunaux. Comme plusieurs membres du mouvement ont suivi une formation sur les droits de la personne prodiguée par le CEHPRODEC, pour laquelle ils ont reçu des diplômes, ils savent que la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail (OIT) relative aux peuples indigènes et tribaux et ratifiée par le Honduras, leur confère des droits et oblige le gouvernement à accorder des terres aux peuples autochtones. Par ailleurs, la plupart des juges locaux n’ont jamais entendu parler de la Convention 169. Les Lencas savent aussi que les lois du Honduras leur donnent le droit d’occuper les terres vacantes.

« Nous ne sommes ni voleurs, ni mendiants », déclare Fernando. « Nous réclamons simplement ce qui nous revient de plein droit. »