Kelly Di Domenico et Guy Des Aulniers, chargé de programmes aux secours d’urgence, étaient au Niger, l’un des pays les plus sévèrement atteints par la crise alimentaire que connaît le Sahel en Afrique de l’Ouest. Trois journalistes de Salt and Light Television les accompagnaient pour témoigner de ce qui se déroule dans la région et pour prendre connaissance des programmes de secours d’urgence que nous appuyons au pays, en collaboration avec la Banque de céréales vivrières du Canada (Canadian Food Grains Bank).
L’équipe est arrivée au Niger le 23 juillet et a visité plusieurs des projets humanitaires que met en œuvre notre partenaire local, CADEV (Caritas Niger), dans les camps de réfugiés, les sites de distribution alimentaire et de relance agricole. Ils ont rencontré les bénéficiaires et leaders locaux et ils partagent leurs histoires avec nous, pour que nous puissions mieux comprendre l’ampleur de la présente crise et ce que nous pouvons faire pour y répondre.
Une des principales questions que j'avais quand je suis partie pour le Niger était pourquoi le pays connait-il si fréquemment des crises alimentaires ? Après être passé proche de la famine en 2005, de sérieux pics d'insécurité alimentaire ont eu lieu en 2008, 2010 et maintenant en 2012. Le professeur Alpha Gado, un spécialiste des crises alimentaires au Sahel à l'Université de Niamey, m'a aidée à comprendre les complexités d'une crise alimentaire dans un pays comme le Niger.
Il m'a expliqué que les famines et les crises alimentaires ne sont pas nouvelles pour le pays. En fait, le pays a vécu des famines bien pires dans le passé. La différence aujourd'hui, c'est que la question de l'insécurité alimentaire est devenue chronique. « Aujourd'hui, les paysans disent constamment qu'ils ont faim », dit-il. « Avant, il y avait une famine ou une crise alimentaire aux dix ans. Aujourd'hui, c’est essentiellement aux deux ans. »
Il y a de nombreux facteurs qui contribuent à cet accroissement. Les changements climatiques ont créé des fluctuations dans les conditions météorologiques, les parcelles de terre sont de plus en plus petites alors que les familles s’agrandissent, et le sol perd de sa fertilité à cause de la surexploitation des terres. En outre, le professeur Gado m’a expliqué que dans le passé, les paysans mettaient de côté des réserves dans leurs greniers qu'ils ne touchaient pas, sauf en dernier recours. Pendant les périodes de vaches maigres, ils chassaient et cueillaient pour compléter leur récolte, une réalité qui tend à disparaître à mesure que les étendues sauvages diminuent.
Maintenant, la plupart des paysans n'ont pas le choix de manger leurs réserves avant la prochaine récolte, incluant les graines qui ont été mises de côté pour être plantées. « La récolte ne dure que deux ou trois mois alors les paysans n'ont plus de réserves », a dit le professeur Gado. Cet état de fait a également affecté la solidarité que les paysans ont traditionnellement montrée les uns envers les autres. Chacun ayant moins, il n'y a presque rien à partager. Cela oblige les paysans à acheter sur le marché lorsque les prix sont élevés, ce qui les appauvrit encore davantage. Si l'on ajoute à ces circonstances déjà difficiles une mauvaise saison des pluies ou des inondations qui détruisent les cultures, ou même les événements du monde extérieur, ça suffit à faire basculer le pays dans une crise alimentaire.
Alors que le pays traverse la crise actuelle, les communautés ont bon espoir que l'année prochaine sera meilleure. Jusqu'à présent, les pluies ont été prometteuses, mais en raison de l'instabilité politique dans les pays voisins, les zones où les sauterelles se propagent n’ont pu être arrosées. Conséquemment, des sauterelles y ont été vues. Seul le temps nous dira si la récolte de cette année sera suffisante pour se rendre à la prochaine. « Qui vivra verra… »