Ça s'échauffe à Bamako | Développement et Paix

Ça s'échauffe à Bamako

1 mai 2012
par 
Guy Des Aulniers, chargé de programme pour les secours d'urgence

Lundi 16 h, des premiers coups de feu ont été entendus. On se demande toujours dans ces circonstances s'il ne s'agit pas d'un moteur de voiture qui explose - mais lorsqu'il s'agit de la dixième détonation en 15 minutes, on ne se pose plus de questions. Puis ce fut l'accalmie. Les tirs ont repris vers 19 h. J'étais alors au restaurant avec Gaston Goro, le coordonnateur des urgences à Caritas. Nous devions aller chercher Ary de la CFGB qui devait arriver hier soir - il avait été retardé à cause de la tempête de sable sur Bamako. Nous appelons à l'aéroport pour apprendre que tous les vols sont annulés et que l’aéroport est fermé.

Les tirs se rapprochent du restaurant puis se calment. Nous en profitons pour retourner à l'hôtel. Là, tous les clients sont regroupés dans le hall. Chacun appelle son contact pour en apprendre un peu plus sur la situation. Des militaires fidèles à l'ex-président déchu auraient attaqué ceux qui ont fait le putsch du 22 mars dernier. Deux radios auraient été brûlées. Des étudiants armés se seraient croisés.

Le propriétaire de l'hôtel est venu avec quelques gardes. Il a fait éteindre toutes les lumières et demandé aux gens d'aller dans les chambres et de fermer l’éclairage. La nuit fut chaude. Nous avons entendu des bruits de combats toute la nuit.  Ça s'est calmé vers 4 h. Maintenant, à 10 h, on dirait que ça recommence.

On parle de plusieurs morts, surtout à la radio et télévision. Il semble que les putschistes du 22 mars ont gardé le contrôle mais peu d'infos filtrent. Nous croyons bien être en sécurité à l'hôtel - les civils ne semblent pas être la cible. Mais j'ai peur que ce ne soit long car il y aura une chasse aux sorcières par le groupe vainqueur. Il ne peut y avoir de retour en arrière.

J'ai laissé un message à l'ambassade du Canada pour signaler ma présence... Gaston est rentré chez lui après avoir passé la nuit à l'hôtel. Pour le moment, moi, j'ai seulement sommeil. Je ne sais faire autre chose qu'attendre, être en contact avec mon monde et espérer. Gaston s'amusait à me dire qu'il devra me conduire à Ouagadougou si je veux quitter le continent.

Dans tout ça, je ne peux m'imaginer ce que ça impliquera pour les Maliens. Crise alimentaire, crise humanitaire, crise économique, crise politique… « Ces événements vont faire à nouveau reculer le Mali. » C’est la tristesse et non la peur qui se lit sur les visages.

Concrètement, pour Développement et Paix, la CFGB et Caritas Mali, ça veut dire que nous devrons remettre à plus tard la formation qui était prévue ce mercredi et jeudi pour les diocèses du pays. Cette formation devait jeter les bases pour la distribution alimentaire. Cela signifie également que nous devrons retarder l’appel d’offres pour identifier les fournisseurs de l’aide alimentaire prévue. Le plus grand risque est que cette distribution ne se fasse lors de la saison des pluies et que les villages enclavés ne puissent être atteints. Cela étant, nous ferons tout ce qui est possible pour réaliser le projet. Les besoins de la population sont criants.  Et c’est particulièrement à ce moment que la solidarité doit s’exprimer.