Plusieurs membres de Développement et Paix sont actuellement en tournée de solidarité en Éthiopie pour rendre visite à des organisations locales appuyées par l’organisation. Au cours des prochains jours, ils rédigeront des billets de blogues au sujet de leurs visites et de leurs diverses expériences.
Si vous étiez une femme ou une jeune fille Oromo vivant dans le kebele (quartier) de Warqa Warabo avant l’époque de Guidissa, votre vie aurait pu ressembler à ceci : comme fille, vous subissez les mutilations génitales féminines. Comme veuve, vous n’avez pas d’héritage. Vous n’avez pas de pouvoir de décision dans votre ménage et les hommes de votre village ont une maxime : « on peut trouver une femme grande, mais pas une femme compétente. » Vous pouvez apporter des œufs ou du poulet pour les vendre au marché, mais rien de plus gros. Si vous deviez essayer de vendre une chèvre ou une vache, on vous aurait regardé avec suspicion puis ignoré. Vous n’avez pas le droit de semer à la volée ni d’être présente dans l’aire de battage, parce que les hommes craignent que vous ne jetiez un mauvais sort à la récolte. Vous ne participez pas à la vie de la communauté et vous êtes confinée à la maison. Vous êtes pauvre et votre vie est difficile. Mais après Guidissa, les choses sont complètement différentes.
Guidissa est le nom d’un groupe d’entraide féminin situé à Warqa. C’est un mot oromo qui signifie « aide à développer ». Il y en a quatre dans ce kebele et celui-ci se compose de 38 femmes. Guidissa a été mis sur pied grâce au travail d’une organisation de la base avec laquelle notre partenaire, le bureau du CST, travaille, et qui porte le nom de Hundee. Hundee signifie « racine pivot » et a agi comme un pivot non seulement pour Guidissa, mais pour de nombreux autres groupes d’entraide féminins dans plus de 31 woredas (districts) regroupant plusieurs kebeles dans le cadre du Programme de développement de la société civile soutenu par Développement et Paix. Nous n’avons pas eu le temps de les rencontrer et de les visiter tous tellement ils sont nombreux. Certains membres se sont séparés de notre délégation pour rencontrer un autre de ces groupes d’entraide. Nous avons rencontré les femmes de Guidissa. Même si elles devaient assister à des funérailles plus tard dans la journée, chacune des 38 d’entre elles sont là pour parler avec nous, accompagnées de leurs hommes. La rencontre commence par une bénédiction. Dans le passé, seul un homme aurait été autorisé à le faire. Aujourd’hui, une femme participe également.
Les principales activités d’un groupe d’entraide comme Guidissa comprennent un programme de prêt renouvelable à leurs membres ainsi que des conversations communautaires avec les hommes pour discuter de leurs défis. Les hommes reconnaissent la valeur des conversations. « Auparavant, nous n’étions pas conscients de la question du genre, dit l’un d’entre eux. Maintenant, grâce aux conversations, la prise de conscience de notre égalité est là. Les prochaines générations peuvent avoir de l’espoir. »
Grâce au programme de crédit renouvelable, les femmes commencent par cotiser une très petite somme d’argent chaque semaine au groupe, aussi peu que 1 ou même 2 birr (devise éthiopienne, 20 ETB = 1,20 dollars CAD). Lorsque la cagnotte est assez grosse, les membres ont accès à tour de rôle à des prêts d’un montant aussi élevé que 2000 ETB, dans certains cas, à un taux d’intérêt nul. Ce crédit a le pouvoir de changer des vies.
Une femme portant une coiffe bleue nous confie : « Mon mari était un travailleur agricole et parceque nous étions pauvres, j’étais obligée de vivre avec ma mère. Je n’avais rien et j’avais de la difficulté à survivre. Je n’étais pas membre de Guidissa. Ma mère m’a demandé de me joindre au groupe. J’ai refusé parce que je ne pensais pas pouvoir me permettre les cinquante cents (un demi-birr) que je devais épargner chaque semaine en tant que membre. Mais finalement, ma mère m’a convaincue. J’ai réussi à obtenir un prêt et à acheter quatre moutons. J’ai vendu deux d’entre eux et j’ai pu obtenir un contrat de fermage. Mon mari a pu revenir et m’aider. Ensemble, nous avons produit 4,5 quintaux (1 quintal = 100 kg) de teff (une céréale locale). J’avais encore mes moutons et j’ai pu acheter une génisse et un taureau. Je les ai engraissés et je les ai vendus, puis j’ai acheté deux bœufs pour les travaux des champs et un âne. J’ai remboursé le prêt et je peux générer mon propre revenu. Aujourd’hui, je suis libre et mes enfants aussi. »
Après notre départ, nous nous rendons aux maisons d’Ejigua Hailu, une membre fondatrice de Guidissa et l’une de ses premières bénéficiaires. Je dis maisons, au pluriel, car il y en a deux sur sa propriété – une maison en bois avec un toit en chaume dans laquelle elle vivait avant Guidissa et une autre, solide, surmontée d’un toit de tôle, qu’elle habite en ce moment. Ejigua a neuf enfants et cinq petits-enfants. Obtenir l’accès au crédit lui a permis de progresser sur le plan économique. Elle a été en mesure d’acquérir graduellement de plus en plus de moutons (qu’elle a engraissés et vendus) avant d’acheter également une vache (qui venait de vêler deux jours plus tôt).
Le résultat ne se borne pas à du capital économique – il s’agit aussi de capital social. Les PTN (pratiques traditionnelles néfastes) sont désormais des choses appartenant au passé. Vous pouvez vendre des chèvres et des vaches librement sur le marché. Vous pouvez semer et battre les céréales. Vous pouvez être membre des conseils du kebele et surtout, vous participez aux décisions, à égalité avec votre mari.
Le soutien aux femmes figure directement dans l’énoncé de mission de Développement et Paix. Aujourd’hui, nous en avons été témoins !