Au mois de janvier 2016, ma collègue Ann Dominique et moi-même avons eu la chance de nous rendre au Sahel, plus particulièrement au Mali et au Niger, afin de faire le suivi des projets mis en œuvre par Développement et Paix. Avant notre arrivée, on nous avait prévenu : préparez-vous pour le froid car les températures descendent jusqu’à 16 degrés Celsius… comme quoi, tout est vraiment relatif !
Dans le contexte actuel du Mali et du Niger, pays récemment frappés par des attentats terroristes et à l’approche d’échéances électorales importantes, notre visite avait pour but de manifester notre solidarité au nom de celles et ceux qui appuient le travail de Développement et Paix. Cette visite nous a également permis d’être témoins des initiatives mises en œuvre qui fonctionnent bien au Sahel, grâce aux communautés qui les portent.
C’est toujours une joie et un honneur de pouvoir être reçu dans des communautés aux sons des tam-tams, aux rires et sourires des habitants, aux danses de joie, aux serrements de mains, aux regards pleins de curiosité ou de crainte des enfants. Assis au cœur du groupe communautaire, protégés du soleil sous des paillotes, les femmes d’un côté, les hommes de l’autre, nous discutons ouvertement des enjeux qui touchent le village, de ses réussites mais aussi de ses difficultés. Nous apprenons bien des choses des communautés elles-mêmes sur le contexte spécifique et l’intérêt des projets auxquels nous apportons notre soutien.
On nous confirme ainsi que les greniers communautaires de prévoyance assurent une protection contre l’insécurité alimentaire. Modèle économique d’épargne pour une meilleure gestion du risque, ils assurent également un rôle social en structurant la solidarité traditionnelle au niveau du village pour lutter contre la pauvreté structurelle. Les greniers, en tant qu’infrastructures, servent de référence visuelle et concrète des initiatives mises en place dans le village. Ils sont le symbole de la motivation, de l’appropriation, de la mobilisation et de l’organisation des communautés appuyées. Ils sont au cœur d’un système de production, d’échange et de redistribution mené au niveau local. Ils servent aussi d’appui aux activités génératrices de revenus qu’ils financent par leurs bénéfices et de lieux de réunions et d’échanges pour atténuer et désamorcer les conflits. Les associations de femmes nous assurent que les périmètres maraîchers ont changé leurs vies : apport financier, meilleure nutrition des enfants, baisse des coupes abusives du bois, prises d’initiatives et de confiance en soi à travers la gestion et les résultats, rééquilibrage des pouvoirs au sein des couples et au niveau du village. Il est toujours impressionnant de voir cette couleur verte, fruit du travail des communautés, teinter le jaune ocre des sols désertifiés. Elle est un pied de nez aux changements climatiques.
Les phrases des personnes rencontrées raisonnent de leur expérience vécue : « ventre qui a faim n’a pas d’oreilles » ou encore « ces projets n’ont pas rempli nos poches, ils ont rempli nos ventres et nos esprits, c’est le plus important pour nous! ». Déjà, d’autres demandes nous parvenaient des villages voisins, témoins de la réussite des projets et voulant bénéficier, eux aussi, des appuis octroyés à des initiatives qui rendent une certaine liberté de choix.
Différence entre la sécheresse d’un côté et le travail de la communauté de l’autre.
Avant de repartir, on nous assure de l’importance de notre visite : elle contribue à la reconnaissance du travail effectué et à la motivation des communautés déjà bien investies. Elle facilite le travail de celles et ceux qui, sur le terrain, portent les projets au jour le jour. Notre présence passagère souligne, dans tous les cas, notre intérêt et notre volonté à voir les communautés aller de l’avant avec leurs talents spécifiques et leurs initiatives propres.