En 2010, les habitants de la vallée de Siria au Honduras ont sans doute poussé un soupir de soulagement quand la mine d’or San Martin, de propriété canadienne, a cessé ses activités au sein de leur collectivité. Malheureusement, ils doivent aujourd’hui se préparer à affronter de nouvelles menaces qui pourraient détruire leur environnement et appauvrir leurs ressources en eau. À la mi-janvier, au terme de deux ans de négociations et d’opposition de la société civile, le Congrès du Honduras a approuvé une nouvelle loi sur les mines qui mettra fin au moratoire actuel sur les activités minières et ouvrira la porte à une nouvelle ruée vers l’or, l’argent et le fer au pays. La vallée de Siria sera particulièrement touchée, car la société minière Goldcorp détient toujours plusieurs concessions minières aux environs de l’ancienne mine à ciel ouvert de San Martin.
La nouvelle loi a été approuvée dans le contexte d’une grave crise économique, doublée d’un déficit budgétaire de plusieurs millions de dollars pour le gouvernement du Honduras. Privé de fonds, ce dernier procède actuellement à la fermeture d’hôtels de ville et d’autres institutions publiques. En outre, peu de temps après l’adoption de la Loi sur les mines, le gouvernement a mis en place sa Loi sur les « villes à charte », qui promulgue essentiellement la privatisation de municipalités. Ces « villes à charte » prendront la forme d’immenses zones de libre-échange où les investisseurs devront financer leurs propres corps de police, tribunaux et services publics, y compris la santé et l’éducation.
La nouvelle Loi sur les mines porte un coup dur aux organisations de la société civile qui ont lutté pour l’adoption d’une législation où les intérêts de l’État hondurien et des collectivités concernées l’emporteraient sur ceux des sociétés minières internationales. Cependant, même si le résultat est décevant, leur longue lutte a aussi porté des fruits.
« Dans un premier temps, notre travail a forcé le gouvernement à mener des séances de consultation sur la nouvelle loi », a déclaré Pedro Landa, représentant du Centre hondurien pour la promotion du développement communautaire (CEHPRODEC), un partenaire local de Développement et Paix. « De plus, nous avons réussi à retarder son adoption pendant plus d’un an, prolongeant ainsi le moratoire sur les nouveaux projets de développement. »
Le processus de consultation a forcé le gouvernement à inclure une clause sur le consentement libre, préalable et éclairé des collectivités concernées. « Il s’agit de la seule loi sur les mines en Amérique latine contenant un article qui force les sociétés à mener une consultation obligatoire auprès des collectivités avant de lancer leurs activités minières », ajoute M. Landa.
Toutefois, cet article n’est pas sans failles : plus de 300 concessions ont déjà été accordées à diverses sociétés minières partout au pays. « Les collectivités peuvent refuser de donner leur accord, mais à cette étape, il est déjà trop tard. Le gouvernement sait que s’il reprend une concession à la suite du refus d’une communauté, il peut être poursuivi par la société minière pour annulation de contrat d’investissement. »
Pour cette raison, l’annulation de tels contrats ne se produira pas, selon M. Landa. Il cite en exemple le cas de la société minière canadienne Pacific Rim, qui a poursuivi le gouvernement d’El Salvador pour avoir repris une concession minière.
Par ailleurs, la nouvelle loi contient plusieurs autres articles qui désavantagent les organisations de la société civile et les collectivités. Notamment, les détails des concessions et des études d’impact sur l’environnement ne seront plus accessibles au public, une situation difficile pour les collectivités touchées qui cherchaient à augmenter la transparence.
De plus, ce n’est pas un hasard si la loi sur les « villes à charte » a été adoptée la même semaine que celle concernant les mines. La Chine aurait promis d’augmenter ses investissements miniers au Honduras, à condition que cette loi soit adoptée parce qu'elle prévoit mener ses activités extractives et construire ses raffineries dans les nouvelles villes à charte, plutôt que d’exporter le minerai vers son territoire.
Les collectivités rurales se préparent désormais à affronter l’arrivée massive de sociétés minières dans les semaines à venir. « Nous anticipons une répression accrue de la part de la police, car pour contrer l’opposition des communautés de la région, les sociétés minières embaucheront des policiers additionnels pour étouffer la contestation », a déclaré Roger Escobar, membre du Comité de l’environnement de la vallée de Siria. Ce groupe a mobilisé l’opposition locale à la mine San Martin, avec l’appui du CEHPRODEC.
Comme cette nouvelle loi oblige les sociétés à payer une taxe de 2 % pour le maintien de l’ordre, la police aura désormais un intérêt à réprimer tout mouvement d’opposition à l’industrie minière. En effet, les forces de l’ordre menaceront sans doute de se retirer des collectivités où l’on empêche l’implantation d’une mine, rendant ces communautés vulnérables au crime. Selon M. Landa, il s’agit là d’un moyen adroit de convaincre les populations que leur sécurité dépend de l’existence d’une mine, cette dernière garantissant une présence policière.
Pour sa part, Jose Luis Espinoza, directeur du CEHPRODEC, croit que l’on fait fausse route en misant sur l’exploitation minière pour relancer l’économie.
« Dans le passé, les sociétés minières ont créé au plus 6 500 emplois, tous temporaires. À l’inverse, investir dans l’agriculture pourrait considérablement accroître le nombre d’emplois - en 3 ans, cet investissement pourrait fournir près d'un million d'emplois. »