Durant la dernière journée des ateliers du FSM, Développement et Paix a co-organisé deux grands ateliers qui proposaient des manières concrètes de refroidir la planète et de stopper les changements climatiques:
- L’agroécologie au service de la planète
- La justice climatique, pas le colonialisme du carbone
Le premier atelier a présenté la manière dont l’agroécologie devient une forme de plus en plus populaire d’agriculture qui est non seulement respectueuse de la planète, mais qui peut aussi contribuer de manière significative à l’atteinte des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre et limiter les impacts des changements climatiques. Le panel comprenait François Delvaux, agent de politiques et de plaidoyer à la CIDSE, Thibault Mony, un jeune agriculteur du Québec du Centre paysan, Déogratias Niyonkuro, agronome et secrétaire général de l’organisme ADISCO au Burundi, Hélène Boyko-Tremblay, agricultrice organique canadienne et membre de Développement et Paix, Marvin Gomez, agronome, animateur régional pour l’Amérique latine à USC Canada, Linda Gagnon, gestionnaire du programme agro-environnemental à SUCO et Marielle de Roos, éleveuse de chèvres en Norvège et membre de la Via Campesina.
Chacun des panélistes a évoqué l’importance de soutenir les agricultrices et les agriculteurs à tous les niveaux pour qu’ils puissent continuer de produire de façon agroécologique, comme c’est le cas dans les pays du Sud, ou pour qu’ils s’orientent vers des pratiques agroécologiques, pour les pays du Nord. Comme l’a expliqué Déogratias, notre partenaire d’Adisco, l’agroécologie est la manière traditionnelle de cultiver la terre en Afrique, mais les agriculteurs subissent des pressions, surtout de la part des organisations multilatérales, pour se lancer dans la monoculture. Il a ajouté que c’était une tendance dangereuse, parce qu’elle augmente le profit à court terme, mais ruine les sols et appauvrit les populations à long terme.
Hélène Boyko-Tremblay, membre de Développement et Paix et agricultrice biologique en Saskatchewan, a raconté comment elle a découvert l’agroécologie grâce à son implication dans la campagne Sow Much Love (Parce qu’on sème) de Développement et Paix. Elle a souligné que l’agroécologie était peu pratiquée au Canada et qu’il faudra un important changement de mentalité dans notre approche vis-à-vis de l’agriculture:
« C’est ici que se trouve, je crois, l’espoir pour l’avenir. Abandonner la monoculture et l’agriculture d’exportation pour augmenter la diversité des plantes et des animaux produits et élevés ici, pour les marchés locaux. Ces systèmes peuvent maximiser la séquestration du carbone, réduire notre dépendance aux combustibles fossiles et protéger nos eaux.
La tâche qui nous attend n’est pas facile. Faire évoluer les politiques du gouvernement pour soutenir un nouveau paradigme agricole demandera qu’on parle plus fort que les tenants de l’agro-industrie. Amener les consommateurs à valoriser une nourriture produite écologiquement et la conservation des terres humides, des sols et des forêts demandera qu’on soit plus visibles dans le maelstrom des campagnes de communication. »
Elle a ajouté que l’agroécologie est plus populaire chez les jeunes agriculteurs, mais tous les panélistes ont rappelé leur préoccupation quant à la perte d’intérêt des jeunes vis-à-vis de l’agriculture. « Comment pouvons-nous encourager les jeunes et leur insuffler l’espoir de devenir des agriculteurs. » C’est une question essentielle, non seulement pour les agriculteurs, mais aussi pour toute l’humanité!
Le mythe du marché du carbone
Le deuxième panel regroupait Isaac 'Asume' Osuoka, directeur du Centre d’action sociale (Social Development Integrated Centre -Social Action) au Nigéria, Devlin Kuyeck, chercheur principal à GRAIN international, John Dillon, coordonnateur du programme d’économie écologique à KAIROS Canada et Tom Goldtooth, directeur général du Réseau environnemental autochtone (Indigenous Environmental Network) en Amérique du Nord et membre de l’Alliance mondiale contre la REDD. Ce panel a dénoncé l’approche du commerce du carbone comme façon d’atteindre les cibles négociées dans l’Accord de Paris.
Les panélistes ont tous conclu que le commerce de carbone, en permettant aux grandes corporations d’acheter des crédits carbone dans les pays du Sud, n’empêche pas les émissions de carbone à la source, ce à quoi nous devrions nous attaquer si nous voulons lutter contre le réchauffement de la planète.
On a démontré que le mécanisme de la REDD (Réduction des émissions liées à déforestation et à la dégradation des forêts), dont l’Accord de Paris fait la promotion, empêche les communautés locales d’avoir accès à leurs terres ancestrales pour chasser ou cultiver tout en préservant les forêts. On offre plutôt à ces communautés des incitatifs pour adopter de nouvelles techniques agricoles qui ne contribuent pas à refroidir la planète, mais plutôt à renforcer le pouvoir des grandes entreprises. On a clairement énoncé que « les plus grands pollueurs s’emparent des terres des communautés pour pouvoir continuer à polluer. »
L’auditoire a été d’une part surpris des impacts du commerce du carbone sur celles et ceux qui contribuent le moins au changement climatique et d’autre part que ce soit la solution que propose l’Accord de Paris pour refroidir la planète.
Tom Goldtooth a rappelé que nous sommes en train de « marchandiser » et de privatiser notre Terre Mère. Il a demandé comment nous pouvions nous fier au système de marché pour résoudre la crise climatique provoquée par ce même système.
À la fin de l’atelier, la discussion s’est recentrée sur ce que l’atelier sur l’agroécologie avait proposé comme véritable solution : l’agriculture familiale. « Nous avons besoin d’une renaissance de l’agriculture familiale, mais celle-ci est freinée par la perte de terres. Nous ne pourrons jamais stopper les changements climatiques si nous enlevons la terre des mains des agriculteurs traditionnels, » a remarqué John Dillon de Kairos.