29 juillet 2014
Zainab Rahma regarde avec nostalgie la photo qu’elle tient où on la voit assise fièrement avec trois de ses enfants.
« C’était il y a seulement cinq ans. Regardez comme j’étais belle. Nous étions heureux. C’était notre vie», dit-elle.
À l’époque, elle était réfugiée en Ouganda à cause de la violence dans la région du sud du Soudan, où les rebelles se battaient pour l’indépendance du gouvernement du Soudan à Khartoum. Elle était séparée de son mari qui était resté à Juba, aujourd’hui la capitale du Soudan du Sud, pour travailler. Pourtant, malgré ces circonstances difficiles, avec le recul, cela lui semble une période plus heureuse.
Aujourd’hui, Zainab, qui n’a que 30 ans, est veuve et élève toute seule six enfants dans un camp des Nations Unies pour les familles déplacées, à la périphérie de Juba. Elle s’y trouve avec 20 000 autres Soudanais du Sud qui ont fui leurs maisons en raison du conflit.
Depuis le début des affrontements politiques en décembre 2013, 1,5 million de personnes ont été déplacées dans le pays, certaines se cachant même dans la brousse par crainte d’attaques.
Pour une nation déjà durement éprouvée par des années de violence dans sa lutte pour l’indépendance, ces derniers affrontements ont eu des conséquences dévastatrices. Les cultures dont dépend la majorité de la population pour se nourrir n’ont pas été semées, et les sources sur le terrain émettent l’avertissement que le pays se dirige vers la pire famine depuis celle qui a frappé l’Éthiopie en 1984. Déjà, les enfants décharnés arrivent aux cliniques de santé dans les régions ravagées par le conflit dans le nord du pays, et ils ont besoin d’une aide médicale.
De plus, comme les dirigeants du pays refusent de s’entendre sur les conditions de la paix, il semble que la situation ne fera que se détériorer.
Au camp de Juba, les conditions sont pénibles, mais au moins certains services sont disponibles. Une congrégation religieuse, les Filles de Marie-Immaculée, en partenariat avec Développement et Paix, distribue des produits alimentaires et offre un soutien psychosocial aux familles.
Zainab berce dans ses bras Madelina, son bébé de quatre mois, dont le petit corps est trempé de sueur dans la chaleur de midi. Madelina ne connaîtra jamais son père, qui a été tué il y a près de six mois dans la violence provoquée par le conflit.
Zainab n’avait jamais imaginé que son pays lui réserverait un sort aussi cruel. L’indépendance du pays en 2011 a été un moment de jubilation, où elle a enfin pu rentrer dans son pays d’origine et retrouver son mari.
« Ce jour-là, mon mari m’a appelée. Il était si heureux qu’il ne pouvait pas parler », dit-elle, en riant de bon cœur. « Il était comme un petit garçon. Nous avons parlé des enfants et fait des plans pour notre retour à Juba. Nous rentrions chez nous. »
Quelques mois plus tard, la famille réunie a commencé à s’installer dans sa nouvelle vie à Juba.
« Nous avions un toit au-dessus de nos têtes, de quoi manger, une bonne éducation pour les enfants et nous rêvions même d’épargner pour l’avenir », dit-elle en souriant doucement, le regard lointain.
Aussi sombre que puisse sembler l’avenir, Zainab reste forte pour ses enfants, dans l’espoir qu’ils connaîtront un Soudan du Sud paisible.
« Je vois le sourire de ma petite fille et je choisis de vivre », dit-elle.