Alors que la ministre du Développement international du Canada, Marie-Claude Bibeau, est en Haïti cette semaine afin de constater l’ampleur des dommages causés par l’ouragan Matthew, sa collègue, la ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Catherine McKenna, est à Marrakech, au Maroc, pour prendre part aux discussions climatiques de la COP22.
Ces deux voyages peuvent sembler avoir des objectifs bien différents à prime abord, mais ils sont en fait interconnectés. Comment le Canada peut et doit-il répondre au désastre écologique et humanitaire engendré par le passage de l’ouragan Matthew en Haïti? Il s’agit de l’une des pires catastrophes climatiques en Haïti, une catastrophe qui aura fort probablement des conséquences encore plus importante sur la population dans les mois à venir. Pourtant, le gouvernement canadien et la communauté internationale ont à peine levé le doigt.
Les quatre départements frappés de plein fouet par l’ouragan Matthew – Grand’Anse, du Sud, des Nippes et Nord-Ouest – sont composés à forte majorité de paysans et considérés comme les greniers du pays. Les cultures y ont été complétement détruites, incluant celles à forte valeur monétaire, comme le cacao et le café. Le bétail, souvent considéré comme un filet économique pour les familles, a quant à lui été décimé. Chavannes Jean-Batiste, un chef de file paysan, en parle comme la plus grandes catastrophe à toucher la paysannerie depuis l’indépendance du pays en 1804.
Jocelerme Privert, Président provisoire en Haïti, a sonné la clochette d’alarme sur l’éventualité d’une crise alimentaire majeure qui pourrait toucher le pays dans les mois à venir. Malheureusement, en l’absence de récoltes pour nourrir sa population, cette situation risque fort bien de se concrétiser.
Novembre étant le mois des semis en Haïti, il reste peu de temps pour planter de nouvelles semences. Mais il n’y a plus de graines à planter et les conditions de vie des gens demeurent précaires. Un mois après le passage de Matthew, les débris envahissent toujours les champs et les routes, les gens habitent encore dans des abris, et ceux qui sont retournés dans leur maison n’ont plus de toit pour se protéger des intempéries et du soleil. Les écoles demeurent fermées et le choléra se propage.
L’ouragan Matthew n’a pas attiré l’attention des médias ou de réponses humanitaires comme l’avait fait le tremblement de terre de 2010. Peut-être est-ce à cause du nombre de morts peu élevé – bien que celui-ci soit le signe encourageant que le gouvernement haïtien avait mis en place un mécanisme d’urgence efficace afin d’avertir les populations. Peut-être est-ce aussi en lien avec l’idée voulant que l’aide apportée par les ONG n’est pas efficace et ce, malgré les succès avérés lorsque l’argent est investi dans des initiatives locales menées par la communauté.
La vérité, en revanche, est que la crise qui touche présentement Haïti est majeure. Avec la hausse des températures globales et du réchauffement des eaux, causés en grande partie par les émissions de gaz à effet de serres des nations industrialisées, les prochains ouragans à frapper la petite île seront aussi puissants que Matthew, sinon plus.
La paysannerie d’Haïti a la capacité de nourrir le pays, mais a un besoin criant de semences biologiques. Les Haïtiens ont besoin de reboiser leurs montagnes, ils ont besoin de routes décentes afin d’apporter leur production au marché, et ils ont besoin que ceux responsables des changements climatiques – des pays comme le Canada – les soutiennent pleinement dans un style de vie durable, faible en émissions de carbone et respectueux de la planète.
Le Canada a pris l’engagement d’aider les pays pauvres et vulnérables, tel Haïti, à s’adapter aux changements climatiques. La première étape pour y arriver passe par la reconnaissance de la gravité de l’ouragan Matthew et de son impact sur les Haïtiens les plus pauvres et les plus vulnérables. Le Canada doit répondre aux besoins humanitaires de la population et agir face au désastre écologique laissé par le passage de l’ouragan Matthew afin d’atténuer ses répercussions sur les générations futures.