Ces mots sur une vieille affiche, « Oscar Romero est mort, un martyr. Réjouissons-nous. » On y voit une image de l’homme et la date de son assassinat, le 24 mars 1980. L’affiche avait été éditée peu après cette terrible journée. Le 14 octobre 2018, il n’était plus seulement un martyr mais il est aussi devenu un saint. Des millions de personnes se sont réjouis.
Cette phrase sur notre affiche venait d’un éditorial du National Catholic Reporter, peu après son assassinat. Il est significatif qu’aujourd’hui, la sainteté de Romero soit liée à la reconnaissance qu’il n’était pas seulement un martyr, mais un martyr « tué dans la haine de la foi ». En d’autres termes, ceux qui ont tué Romero ne l’ont pas fait parce qu’il était un agitateur politique, un rebelle, un idéologue. Ils l’ont tué parce qu’ils haïssaient sa foi – une foi enracinée dans son identification avec les personnes pauvres et opprimées de son pays, le Salvador. Il s’agit là d’un élément significatif, puisqu’il implique que haïr et tuer une personne, parce qu’elle défie les détenteurs du pouvoir qui oppriment le peuple, revient à haïr la foi catholique. La sainteté de Romero est une magnifique déclaration de l’attachement de l’Église envers les personnes pauvres et opprimées.
Développement et Paix – Caritas Canada et d’autres organisations de la CIDSE ont soutenu Romero durant son ministère. Nous nous sommes joints à lui pour dénoncer la répression perpétrée par le gouvernement de son pays et l’aide militaire américaine qui l’appuyait. Nous avons contribué financièrement à son travail, et selon un ancien membre du personnel de Développement et Paix, nous étions en contact téléphonique avec lui peu de temps avant son assassinat.
Certains ignorent que Romero a été assassiné pendant qu’il célébrait la messe. Lors de l’Assemblée régionale de l’Ontario en 2012, le père Thomas Rosica, C.S.B., a partagé une belle réflexion qu’il nous semble opportun de reprendre :
Tué de sang-froid par la balle d’un assassin alors qu’il célébrait la messe dans un hôpital le 24 mars 1980, les derniers mots de son sermon, quelques minutes avant sa mort, rappelaient à sa congrégation la parabole du grain de blé. « Ceux qui s’abandonnent au service des pauvres par amour du Christ vivront comme le grain de blé qui meurt. Il ne meurt qu’en apparence. S’il ne mourait pas, il resterait seul. La récolte ne survient que parce que le grain meurt… »
Oscar Romero est enseveli dans la cathédrale de San Salvador, où il a prêché pour la justice et défendu sa foi, avec audace et courage, en ignorant la peur. La spiritualité et la foi derrière son combat pour la vie émanent de sa croyance en un Dieu des vivants, qui entre dans l’histoire humaine pour détruire les forces de mort et permettre aux forces de vie de soigner, réconcilier et élever l’esprit de ceux qui marchent dans la vallée de la mort. L’archevêque Romero nous a enseigné que la pauvreté et la mort vont de pair.
Romero n’a jamais fini sa célébration de l’Eucharistie. De même, lors de ses funérailles, l’Eucharistie n’a pas pu se conclure. Il y a eu encore des fusillades et des morts et les gens ont dû se précipiter dans la cathédrale pour se mettre à l’abri. Plusieurs voient cette « Eucharistie inachevée » comme le symbole de ce qui reste à faire au Salvador et ailleurs dans le monde, là où les gens souffrent dans leur lutte de libération.
Qui viendra achever l’Eucharistie? C’est à nous de le faire maintenant. L’Eucharistie est la reconstitution du drame de la passion, de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ. Lorsqu’il est mort, Romero revivait le mystère pascal. Il reprenait le rituel de ce qu’il avait fait pendant toute sa vie: s’offrir lui-même, avec le Christ, comme offrande de paix, afin que la terre se réconcilie avec son créateur et que les péchés soient pardonnés. Ainsi doit-il en être pour chacun de nous qui s’engage dans un travail authentique de justice et de paix. La vie et la mort de l’archevêque Romero seront aussi fécondes que ce que nous déciderons d’en faire.