L’été dernier, Développement et Paix – Caritas Canada a participé aux consultations lancées par le gouvernement afin de renouveler la politique canadienne d’aide internationale. Ces consultations ont été une belle occasion de communiquer les préoccupations et priorités du secteur aux décideurs canadiens. Si les résultats de ces consultations, de même que le nouveau cadre de financement pour l’aide internationale du pays se font toujours attendre, le budget fédéral 2017 nous laisse perplexe face à l’avenir car il présage du pire. En effet, ce budget n’est pas à la hauteur des engagements et des responsabilités du Canada en matière de développement durable à l’échelle mondiale.
Dans le budget présenté le 22 mars, la somme allouée à l’aide au développement représente environ 0,26 % du revenu national brut (RNB), ce qui est nettement inférieur à 0,7 % qui représente la référence généralement convenue à l’échelle internationale. Pourtant, à la fin de l’année 2016, le comité des Finances et celui des Affaires étrangères et du Développement international recommandaient de faire monter à 0,35 % du RNB l’aide publique au développement d’ici trois ans. Le budget de 2017 ne permettra aucune progression vers cette référence. Dans ces conditions, nous estimons qu’il sera difficile et rendra plus ardue la réalisation des engagements internationaux pris par le gouvernement canadien afin d’être véritablement de retour sur la scène internationale.
En effet, en septembre 2015, l’ONU, dont le Canada est membre, s’engageait à mettre en œuvre 17 objectifs de développement durable (ODD) qui fixent un cadre global, ambitieux, universel et cohérent aux politiques publiques pour les 15 prochaines années. Fin 2015, à la Conférence de Paris sur le Climat (COP21), le premier ministre canadien affirmait fièrement que « le Canada est de retour ». Quelques mois plus tard, en avril 2016, le gouvernement canadien ratifiait l’Accord de Paris, ce qui engage le gouvernement canadien non seulement à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES), mais aussi à assumer ses responsabilités historiques en termes de changements climatiques en appuyant les pays du Sud, qui sont les plus affectées par les changements climatiques.
Changements climatiques : le gouvernement met la table pour la mise en œuvre du cadre climatique du Canada, mais les populations du Sud sont laissées de côté
Sur le dossier des changements climatiques, des fonds ont été avancés pour améliorer la sécurité énergétique et la santé des citoyens des communautés autochtones. De plus, des investissements importants ont été annoncés en ce qui concerne l’efficacité énergétique, le transport en commun, les véhicules électriques et la production et distribution d’électricité propre. Malheureusement, on ne peut pas dire qu’un effort semblable ait été fait à l’égard des populations du Sud qui sont celles qui souffrent le plus des changements climatiques. En effet, le Canada maintien les mêmes objectifs de réduction de GES que celles du gouvernement conservateur et peu de mesures sont mises en place pour mettre fin aux subventions aux énergies fossiles. De la sorte, il semblerait que le Canada va maintenir, voire même augmenter, son taux d’émission de GES tout en agissant très peu afin d’appuyer les populations du Sud à faire face aux impacts des changements climatiques. Ainsi, contrairement aux engagements pris par le gouvernement canadien lors de l’adoption des ODD, nous laisserons ainsi des populations entières en crise face à de telles réalités.
Absence de financement sur les questions des droits humains et du commerce
L’engagement envers les droits humains constitue une assise à l’identité canadienne tant au Canada qu’à l’étranger, et pourtant, les questions des droits humains et du commerce semblent de grands oubliés de ce budget. Pourtant, le comportement des compagnies canadiennes à l’étranger affectent les droits de de communautés, travailleurs et des peuples autochtones dans plusieurs pays. C’est particulièrement vrai dans le cas des compagnies canadiennes du secteur extractif. Des milliers de Canadiennes et de Canadiens, de même que des centaines d’organisations du Canada et du Sud, font pression depuis des années pour que le gouvernement canadien agisse dans ce domaine, particulièrement en ce qui concerne les comportements des entreprises canadiennes d’exploitation minière œuvrant à l’étranger. Un projet de loi pour la création d’un poste d’ombudsman des droits de la personne indépendant pour l'industrie extractive canadienne a même été présenté au parlement canadien en novembre 2016. Développement et Paix est fortement déçu de constater que rien n’est prévu dans le budget à cet égard.
Le dernier budget du gouvernement fédéral nous laisse songeurs et un peu perplexes. Ceci dit, Développement et Paix – Caritas Canada continuera à travailler avec le gouvernement canadien pour concrétiser les engagements pris dans le cadre des ODD et de l’Accord de Paris dans le meilleur intérêt des populations du Canada et de celles du Sud.
Serge Langlois, directeur général
Développement et Paix -Caritas Canada