La spéculation foncière des fonds de pension mène à des violations des droits humains et à une destruction écologique au Brésil | Développement et Paix

La spéculation foncière des fonds de pension mène à des violations des droits humains et à une destruction écologique au Brésil

8 novembre 2018

Un rapport rédigé en collaboration avec des partenaires de Développement et Paix - Caritas Canada au Brésil révèle que les investissements étrangers et les fonds de pension internationaux, y compris canadiens, menacent l’avenir de communautés rurales au nord-est du Brésil.

Le rapport se base sur deux missions d'enquête dans la région de MATOPIBA (une zone d'environ 73 millions d'hectares qui s'étend sur les États brésiliens du Maranhão, Tocantins, Piauí et Bahía), où l'avancée de l'agro-industrie soutenue par le capital international, détruit les moyens de subsistance des communautés rurales et érode considérablement la biodiversité locale.

Des conséquences graves pour la population locale

La région MATOPIBA est située dans la partie nord du Cerrado, une écorégion qui abrite 5% de la biodiversité mondiale. Les communautés autochtones et paysannes qui y vivent ont développé des stratégies de survie et de coexistence avec cet écosystème et leurs pratiques et connaissances sont indispensables à la survie du Cerrado. En effet, celle-ci est menacée par la déforestation qui fait place à l'expansion de l'agriculture industrielle - en particulier le soja.

Les communautés de la région de MATOPIBA sont déplacées de leurs terres et subissent une contamination généralisée du sol, de l'eau et du bétail par les produits agrochimiques. La violence à l'encontre des dirigeants communautaires est en hausse, tout comme les conflits sur l'eau.

« L'accaparement des terres est principalement le fait d'acteurs locaux, mais ceux-ci sont soutenus par de l'argent provenant de l'étranger. La falsification des titres fonciers est au cœur de cette activité, en tant que moyen de simuler la propriété foncière, qui a été appropriée illégalement », explique Isolete Wichinieski de la Commission pastorale de la terre (CPT), une organisation partenaire de Développement et Paix qui œuvre en étroite collaboration avec les communautés rurales. « Les populations locales détiennent rarement des titres fonciers officiels, mais la loi brésilienne reconnaît les droits qu'elles ont acquis en occupant et en utilisant leurs terres au fil des générations. »

Le capital international finance depuis longtemps la production agro-industrielle au Brésil, mais maintenant la terre elle-même est considérée comme une marchandise précieuse, ce qui a pour incidence de stimuler les investissements et à augmenter la valeur des portefeuilles financiers. Cette transition de la terre comme bien commun des populations locales à une marchandise internationale alimente la spéculation foncière et intensifie le déplacement de communautés.

Les coulisses des fonds de pension internationaux

Dans le cas de MATOPIBA, les fonds de pension du Canada, des États-Unis et de l'Europe investissent dans cette nouvelle forme d'accaparement des terres en injectant des centaines de millions de dollars dans le fonds international d’acquisition de terres agricoles. Ici, au Canada, la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) et la British Columbia Investment Management Corporation (bcIMC) sont toutes les deux impliquées dans la spéculation foncière au Brésil à travers leurs investissements dans le fonds TIAA-CREF Global Agriculture LLC (TCGA).  

Les États dans lesquels ces fonds de pension sont basés n'ont pas mis en place une réglementation efficace pour s'assurer que les activités transnationales de ces acteurs sont conformes aux droits humains ou respectueuses de l'environnement. Les États s'appuient sur l'autorégulation volontaire des acteurs économiques y compris lorsqu'il s'agit d'apporter une solution aux personnes touchées. 

Développement et Paix a récemment participé à une réunion avec la Caisse de dépôt et placement du Québec, accompagné de Maria Luisa Mendonça du Réseau pour la justice sociale et les droits humains, un partenaire de Développement et Paix au Brésil qui a joué un rôle déterminant dans l'enquête sur cette injustice visant à expliquer les effets dévastateurs que les investissements dans le TCGA ont sur les paysans du Brésil et l'environnement.

« Nous espérons que la Caisse de dépôt et placement du Québec se départira de ses investissements dans les terres agricoles. Les recherches montrent clairement que les impacts sont très graves. Si elle le fait, elle fera figure d’exemple et permettra à d'autres fonds de pension de suivre son exemple. Cette étape pourrait avoir des répercussions positives sur la scène internationale », a déclaré Maria Luisa à l’issue de la rencontre.

Le rapport « Le coût humain et environnemental du commerce de la terre » est publié par FIAN International, le Réseau pour la justice sociale et les droits humains et la Commission pastorale de la terre (CPT). Un sommaire exécutif est disponible en français.

Téléchargez le rapport