La radio communautaire donne aux Haïtiens et aux Haïtiennes une voix dans la reconstruction de leur pays | Développement et Paix

La radio communautaire donne aux Haïtiens et aux Haïtiennes une voix dans la reconstruction de leur pays

6 janvier 2011

Quelques jours seulement avant que l'ouragan Tomas menace de frapper Haïti et de mettre en péril la vie d'autres Haïtiens, l'animateur de radio Francy Innocent enregistre des messages radio afin d'aider la population à se préparer à la tempête tropicale qui approche.

« Ces messages expliquent aux gens où se réfugier en lieu sûr et comment mettre les jeunes enfants à l’abri. Nous avons aussi des avertissements qui s’adressent aux pêcheurs », explique Francy.

Francy travaille pour Radio Zetwal (Radio Étoile), un nom qui convient tout à fait à cette station de radio communautaire dans la région rurale de Fondwa, juchée au sommet d’une montagne – donc proche des étoiles. L’équipement de la station s’entasse dans un petit local qui ne fait pas beaucoup plus de 3 mètres sur 3. Ce n’est pas la taille du local qui compte, mais la portée des émissions.

« Si Radio Zetwal n’était pas là, cela aurait de graves conséquences, parce qu’à Fondwa et dans les environs, les gens captent seulement cette station. Sans nous, ils ne recevraient pas d’information du tout, dit Francy. Notre retour en ondes [après le séisme] a été accueilli par de nombreuses réactions enthousiastes. »

Pendant le tremblement de terre du 12 janvier, Radio Zetwal a cessé de fonctionner, mais avec l’aide de SAKS (Société pour l’animation et la communication sociale), une association nationale qui offre soutien et formation aux stations de radio communautaires un peu partout au pays, Radio Zetwal a été en mesure de reprendre ses activités dans un délai de moins de deux mois.  

SAKS et REFRAKA, le Réseau des radios communautaires des femmes, sont des partenaires de  Développement et Paix, et tous deux travaillent avec acharnement pour faire en sorte que les citoyens aient voix au chapitre dans la reconstruction du pays.  

Pour REFRAKA, cela veut dire renforcer la capacité des femmes de se faire entendre et de raconter leur histoire. Le Réseau y parvient en offrant de la formation et des ateliers qui s’adressent aux femmes intéressées par la radiodiffusion et en créant des contenus qui ciblent les femmes.  

L’appui de Développement et Paix permet à REFRAKA de réaliser des reportages radio qui abordent les problématiques précises auxquelles font face les Haïtiennes, en particulier dans le contexte de l’après-séisme, et qui seront diffusés sur les 27 stations de radio membres de REFRAKA, y compris Radio Zetwal. L’auditoire représente 250 000 personnes dans toutes les régions du pays.

« Nous avons adapté notre contenu aux réalités des femmes et nous les aidons à saisir l’impact de ce qui leur est arrivé le 12 janvier. Par exemple, nous parlons de la situation des femmes dans les camps et nous avons produit une émission dans laquelle des femmes rendent hommage à leurs consœurs qui ont perdu la vie dans le tremblement de terre et expriment leur solidarité », explique Marie-Guerleine Justin, coordonnatrice de la formation à REFRAKA.   

Dans une volonté de tenir la population au courant des décisions prises au cours du processus de reconstruction et de faciliter la compréhension de l’impact de ces décisions, SAKS et REFRAKA ont allié leurs forces à celle d’AlterPresse, un regroupement de médias alternatifs haïtiens, pour créer Haiti Grassroots Watch qui réalise des reportages d’enquête radio, vidéo et imprimés sur les principaux enjeux auxquels est confronté le pays.  

Haiti Grassroots Watch traite de questions fondamentales que peu de médias traditionnels ont abordées et, ce qui est plus important, le fait du point de vue de la population locale. Parmi les sujets évoqués, citons le flou dans les plans de logement de 1,3 million de personnes vivant maintenant sous la tente et les implications plus profondes des populaires programmes Travail contre rémunération.  

Ce type de contenu ne peut qu’inciter les stations de radio communautaires membres de SAKS et de REFRAKA à poursuivre les discussions animées parmi leurs auditeurs et à permettre à ceux qui n’ont habituellement pas voix au chapitre de s’exprimer.  

« Nous évoquons souvent la reconstruction du pays, poursuit Francy. Par exemple, nous posons beaucoup de questions sur la reconstruction des maisons. Bien des maisons auront une seule pièce, mais est-ce suffisant pour une famille de cinq ou six personnes ? », demande-t-il, sachant très bien qu’il s’agit d’une question rhétorique. À n’en pas douter, la question fait déjà réfléchir ses auditeurs et auditrices.