L’impact de la destruction, de la souffrance et de la misère provoqué par le typhon Haiyan qui a frappé la partie centrale des Philippines le 8 novembre 2013, a été dévastateur. La réponse initiale a permis de fournir de l’aide d’urgence à des millions de personnes dans la région touchée, mais le plus grand défi a été de faire en sorte que les efforts de réhabilitation et de reconstruction permettent aux communautés dévastées d’être mieux préparées aux chocs qui pourraient encore survenir. Force est maintenant de se demander de quelle manière les survivantes et survivants du typhon Haiyan ont reconstruit leurs communautés ?
Même si cela s’est avéré vaste et complexe, on a vite constaté que la reconstruction des zones ravagées par la tempête offrait aussi à Développement et Paix et à ses partenaires une occasion unique de s’attaquer à certains facteurs de pauvreté qui rendaient les personnes si vulnérables au départ: la pauvreté chronique, l’impuissance, l’inégalité, le fait de vivre dans la marginalité, et dans des zones périlleuses, mais aussi le fait que les institutions qui doivent en principe les aider soient peu outillées. Par ailleurs, l’amplitude d’un désastre comme Haiyan ouvre aussi la porte aux grandes entreprises qui tentent de tirer profit de cette situation chaotique pour promouvoir leurs propres intérêts, ce qu’ils ne pourraient pas faire en temps normal.
Nos partenaires ont transformé la destruction provoquée par Haiyan en une opportunité pour transformer des pratiques économiques et sociales injustes en structures et institutions socio-économiques, culturelles et politiques qui soient nouvelles, justes et résilientes.
La réponse humanitaire est plus efficace lorsqu’on y intègre dès le départ l’organisation communautaire
Durant la phase d’urgence, la dépendance des personnes ayant survécu à la catastrophe à l’aide extérieure peut devenir plus forte pour les personnes qui n’ont pas encore surmonté leurs traumatismes. L’approche basée sur l’organisation communautaire veut permettre aux personnes pauvres et vulnérables de former des organisations solides qui disposent d’une voix forte et qui peuvent mobiliser les gouvernements locaux et nationaux, de même que les organisations humanitaires et de développement international, avant, pendant et après le désastre, comme ce fut le cas pour la tragédie d’Haiyan.
Avec le soutien de Développement et Paix, NASSA-Caritas Philippines a intégré l’organisation communautaire dans son programme de reconstruction. Des organisateurs communautaires ont été formés par Community Organizers Multiversity, un partenaire de Développement et Paix et intégrés au sein des équipes d’urgence responsables des abris, des moyens de subsistance et de la réduction des risques de 9 Caritas diocésaines.
L’intégration de l’approche basée sur l’organisation communautaire était une première dans le travail humanitaire de la famille Caritas. Elle a permis l’atteinte de résultats significatifs, comme la livraison efficace et efficiente d’aide concrète dans les communautés affectées, mais aussi la prise de conscience des droits des citoyens. Les communautés ont ainsi été capables de mobiliser les autorités locales et ont réussi, dans certains cas, à obtenir des terrains et du financement supplémentaire de leurs gouvernements locaux et nationaux.
Utiliser l’organisation communautaire dans les phases d’urgence, de réhabilitation et de reconstruction a posé des défis énormes. Cette approche, qui semble étrangère à la réponse humanitaire habituelle (abris, moyens de subsistance, eau-hygiène-assainissement, etc.) peut désorienter celles et ceux qui travaillent dans le domaine. Les réactions initiales ont oscillé entre l’inconfort, considérant que cette approche prend du temps alors que la réponse immédiate doit être rapide, ou une certaine condescendance de la part de celles et ceux qui estiment que la « participation communautaire » fait déjà partie de leurs réponses humanitaires par la consultation de la population et la diffusion de l’information
L’approche basée sur l’organisation communautaire démontre cependant que la population participe à différents niveaux, comme par exemple :
- une personne affectée informée et sensibilisée consciente,
- impliquée dans l’évaluation,
- impliquée dans la mise en œuvre,
- impliquée dans la planification et finalement,
- impliquée dans la conception.
Le but ultime de l’organisation communautaire pour l’autonomisation réelle des communautés, dans ce cas-ci les survivantes et survivants d’Hayian, est de faire en sorte qu’elles soient les véritables initiatrices et maîtres d’œuvre des efforts de réhabilitation et de reconstruction, au-delà des pratiques habituelles de renforcement des capacités. La communauté devient réellement le moteur de son développement à long terme, des initiatives de changement social et ces capacités inhérentes se maintiendront, même lorsque les organisations extérieures seront parties.
Dans le cadre du programme de recouvrement et de reconstruction post Haiyan, l’organisation communautaire a joué un rôle majeur pour permettre aux personnes qui sortaient du cauchemar de ce désastre de combler leurs rêves et leurs espoirs d’une vie nouvelle.
Des projets de reconstruction qui donnent une voix aux communautés
Le programme de reconstruction de Développement et Paix après le typhon Haiyan a toujours cherché à autonomiser les survivantes et survivants et à renforcer leur capacité à se faire entendre, afin de créer des changements significatifs dans leurs vies. Voici quelques exemples de ce qui a été accompli :
- La construction du village du pape François (VPP) avance rapidement, avec 300 unités déjà complétées ou en voie de l’être. Ce projet a permis aux participantes et aux participants de la communauté d’acquérir des connaissances et des compétences en finance, en construction, en approvisionnement de matériel et entreposage. Le site emploie actuellement près de 600 travailleurs, ce qui procure un élan important à l’économie locale.
Apprenez-en plus sur le village du pape François et visionnez la bande-annonce de notre prochain documentaire: Après la tempête : construire le village du pape François.
- Développement et Paix a soutenu la création de la Coalition des survivants de Yolanda (nom local du typhon Hayian) et de leurs partenaires (CYSP) dont les actions de plaidoyer auprès des autorités parlementaires et administratives ont grandement contribué à la redevabilité des pouvoirs publics. Lors des audiences du Comité de la Chambre sur le logement et le développement urbain, la coalition a démontré que sur les 205 128 maisons que le gouvernement avait prévu de construire en 2013, seulement 23 414 étaient occupées quatre ans plus tard et 73 286 étaient toujours en construction. Par ailleurs, le Comité entreprend des poursuites judiciaires contre des entrepreneurs, et certains représentants du gouvernement, pour des constructions de qualité inférieure aux normes. En réponse aux appels de réforme demandée par la Coalition, le gouvernement a émis une ordonnance administrative créant un Groupe de travail inter-agences sur Yolanda (IATF) afin de renforcer la coordination et la coopération entre les diverses agences impliquées dans les activités de reconstruction post- Yolanda.
Apprenez-en plus sur le travail de la coalition CYSP.
- Développement et Paix a fait appel à son partenaire de longue date, PETA (Philippine Educational Theater Association), pour soutenir les survivantes et survivants du typhon Haiyan par le théâtre comme mécanisme de guérison. PETA a remporté récemment le prestigieux prix Magsaysay, qui honore la noblesse d’esprit et le leadership de transformation en Asie. À la remise de ce prix, la Fondation Ramon Magsaysay a reconnu PETA pour « sa contribution collective audacieuse à la transformation des arts du théâtre en force de changement social, son engagement passionné et indéfectible à l’autonomisation des communautés des Philippines, et l’exemple remarquable qu’elle donne en tant qu’organisation phare dans ce domaine en Asie. »