Afin de souligner la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien le 29 novembre, Développement et Paix – Caritas Canada souhaite rappeler les impacts dévastateurs de la construction d’un mur de séparation par Israël sur la ville de Bethléem. Malgré l’important patrimoine culturel, historique et religieux de la ville de Bethléem, son peuple a énormément souffert de la construction du mur, qui a entraîné ce que la Cour pénale internationale qualifie de sérieuses violations des droits humains.
Développement et Paix a soutenu la production du documentaire Open Bethlehem en solidarité avec le peuple des territoires palestiniens. Ce documentaire met en lumière les impacts de la construction du mur du point de vue de la réalisatrice Leila Sansour, une native de Bethléem qui retourne dans sa ville adorée après plusieurs années, pour la retrouver tristement transformée par le mur de séparation.
Vous pouvez également en savoir plus sur ce documentaire et consulter le guide d’accompagnement que nous avons développé ici.
Voici une courte entrevue réalisée avec la cinéaste qui exprime son point de vue sur la situation de sa ville natale.
La réponse simple est celle-ci : je viens de Bethléem et quand Israël a commencé à construire un mur qui changerait indubitablement la face de la ville et la vie de ses communautés, possiblement pour toujours, je ne pouvais ignorer ce qui se passait. Je suis cinéaste. La moindre des choses que je pouvais faire était de documenter ce qui se passait devant mes yeux et créer un enregistrement de ce sombre événement historique. Je voulais donner au monde extérieur un aperçu de la situation qui se déroule ici, et les inciter à agir.
Mais, en tant qu’êtres humains, il y a toujours d’autres forces à l’œuvre en nous. Dans mon cas, c’était mon père. Mon père était une personne en vue. Il a participé à la création de l’Université de Bethléem et a consacré sa vie à la ville. Il est mort subitement en 1996 et je ne me suis jamais réconciliée avec cela. J’ai quitté Bethléem à l’adolescence, en pensant que c’était trop petit et trop provincial. C’était en quelque sorte ma rébellion, mais à un certain moment, tous les rebelles reviennent à la maison, et quand ils le font, c’est avec la même intensité qu’à leur départ. Peut-être que je ne suis pas différente. Bethléem m’a séparée de mon père, mais Bethléem est aussi la force qui m’a rapprochée de lui, même quand il n’était plus là.
Bethléem est une ville bénie. Elle a une température formidable, une culture paisible, une abondance de produits locaux spectaculaires. Ses richesses ont été célébrées dans les carnets des voyageurs de tous les temps. On parlait de Bethléem comme d’une ville entourée d’oliviers, de figuiers, de vignes. Comme c’est la ville où le Christ est né, elle est extrêmement connue, ce qui lui a permis de tisser des liens sans précédent avec le monde extérieur et d’avoir une perspective internationale. Après tout, Bethléem a connu le tourisme avant même que le mot soit inventé!
Mais aujourd’hui, politiquement parlant, Bethléem est assise sur une plaque sismique. La situation n’est jamais stable et menace d'éclater à tout moment parce que le statu quo n’est pas viable. Pour le dire simplement, nous vivons sous une occupation militaire qui nous démontre constamment qu’elle n’a aucun respect pour nos vies et nos aspirations, notre héritage ou notre bien-être. Le mur construit aujourd’hui autour et au sein de Bethléem est un exemple saisissant de cet état des lieux. Avec le mur, Bethléem a perdu la plupart de ses terres arables et de nombreux sites importants. Elle a été dramatiquement coupée de Jérusalem, un lien essentiel pour les vies des communautés palestiniennes des deux villes. Bethléem a été réduite à moins de 13% de son territoire original.
Parce que cette injustice ne peut plus durer. Parce qu’on peut faire mieux. Parce que ce problème peut se résoudre avec un peu d’aide de la communauté internationale. Parce que le succès ou l’échec à résoudre ce conflit aura des implications pour la vie de millions de gens, ainsi que pour les fondements du droit international. Parce que je crois que Bethléem spécifiquement, et la Palestine dans son ensemble, offre un modèle significatif pour le succès d’une société pluraliste, dans une région très troublée qui en a absolument besoin.
L’accès à la zone a définitivement été un problème majeur, puisque l’armée israélienne fermait la plupart des zones dans lesquelles elle construit le mur ou d’autres activités qui y sont connexes, comme la démolition des maisons. L’armée a confisqué mes films à deux reprises. Et puis, il y a aussi le problème de financement. Pour un cinéaste indépendant, c’est toujours difficile de trouver des fonds, mais quand vous venez de Palestine, ça devient pratiquement impossible! Je suis très reconnaissante à Développement et Paix d’avoir soutenu ce film quand il n’était encore qu’une simple idée. C’est un partenaire important et son appui a été crucial pour le projet.
À ce stade, l’avenir est flou. Nous sortons d’une très mauvaise situation et faisons face à l’inconnu. Mais nous gardons espoir, et tant que nous sommes ici, le travail continuera. Ce serait déprimant de penser que le mur de Bethléem est plus qu’une atrocité temporaire. J’espère seulement qu’il tombera de mon vivant.
Nous invitons les Canadiens à rallier notre campagne pour que Bethléem redevienne la ville ouverte qu’elle était, en devenant des citoyens et citoyennes symboliques de la ville. Vous pouvez le faire en visitant notre site web. Regardez le film et parlez-en à vos amis afin qu’ils puissent prendre conscience de notre situation et informer leurs élus. Si vous le pouvez, venez nous visiter. Rien ne se compare à voir la situation de Bethléem de vos propres yeux.